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Vincent Genin, L’Éthique protestante de Max Weber et les historiens français (1906-1979), Turnhout : Brepols, 2022, Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses vol. 191, 283 p.

Geneviève Warland, UCLouvain

Ce livre, fruit d’un diplôme postdoctoral à l’EHESS, se situe à la croisée de l’histoire des idées, de l’histoire des sciences et de l’historiographie. Il propose un parcours restituant la pensée de plusieurs historiens français et belges, et de quelques sociologues et philosophes, sur l’œuvre la plus connue du sociologue allemand Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Trois générations d’historiens sont convoquées par l’auteur de l’étude, Vincent Genin, docteur en histoire de l’Université de Liège et actuellement chargé d’enseignement à Sciences Po Paris, à l’Institut catholique de Paris et à l’Université Panthéon-Sorbonne.
Comment et à quel moment l’œuvre majeure de Weber, parue en allemand en 1904-1905 et traduite pour la première fois en français en 1920, a-t-elle été reçue en France ? Quels auteurs ont joué le rôle d’intermédiaire ? Quels ont été les facilitateurs et les obstacles qui ont émaillé ce processus ? Telles sont les questions principales.
Genin distingue trois périodes dans la réception de Weber en France : celle des « réticences d’une communauté » (1905-1925) ; celle du « moment propice » (1925-1936) ; enfin, celle du « sursaut et du coup de grâce » (1952-1979).
La première période voit des historiens de la Réforme comme Émile-Guillaume Léonard, Georges Goyau et Émile Doumergue, mais aussi un spécialiste du protestantisme et de l’histoire économique, Henri Hauser, chantre de l’interdisciplinarité, s’intéresser à Weber. Sa réception est marquée par un intérêt différencié (allant du rejet à des convergences de vue) pour sa thèse établissant un lien entre les domaines religieux et économique. Seul le sociologue François Simiand lui réserve un accueil tout à fait positif.
La deuxième période est dominée par Henri Sée, un des fondateurs de l’histoire économique en France, qui propose, selon Genin, la « première discussion historienne poussée de L’Éthique » (p. 116) dans un article paru dans la Revue Historique, de même que par les philosophes et sociologues Maurice Halbwachs et Raymond Aron. Néanmoins, des critiques sont formulées contre la vision anachronique de Weber et son manque d’étude empirique, en particulier par Jean Lejeune, diplômé de l’université de Liège, fort apprécié par Lucien Febvre.
Enfin, la troisième et dernière période relie l’essor de la réception de Weber aux traductions de plusieurs de ses œuvres et à des facteurs institutionnels comme les nominations d’Éric de Dampierre à Sciences Po et de Raymond Aron à la Sorbonne. La présentation fait appel à des philosophes et à des sociologues et très peu à des historiens, mis à part Julien Freund et Robert Mandrou comme introducteurs auprès des historiens des mentalités (Georges Duby, Jean Delumeau, Jacques Le Goff, …). À défaut, une place est accordée à l’historien suisse Herbert Lüthy, grand lecteur de Weber. Enfin, le « coup de grâce » contre la thèse wébérienne du lien entre capitalisme et protestantisme est donné par Fernand Braudel, lequel semble sceller son destin parmi les historiens.
Genin conclut que la pensée de Weber n’a pas été reconnue parmi les historiens français à sa juste valeur, cela pour diverses raisons : politiques sous l’influence du marxisme notamment ; historiques par l’accusation d’anachronisme ; disciplinaires par l’opposition ou le manque d’ouverture à la sociologie ; méthodologiques au vu de l’empirisme de la démarche historique. « En somme, ‘wébériser’ dans le monde des historiens n’a sans doute pas été considéré comme une opération stratégique », avance-t-il (p. 242).
Dans chacune des parties, Genin interpelle les auteurs qui se réfèrent à Weber en les citant et en dialoguant avec la littérature secondaire, assez souvent pour nuancer ou contester des points de vue ou mettre en évidence des zones d’ombre ou des pistes de recherche à poursuivre. Il évoque divers aspects institutionnels relatifs aux établissements d’enseignement et de recherche, aux chaires et aux cours ainsi qu’au positionnement en termes de carrière en France ; les rapports disciplinaires entre l’histoire et la sociologie font l’objet de réflexions à plusieurs moments. La question des traductions de Weber apparaît çà et là, principalement dans la dernière partie (p. 180 sq.) ; il en va de même de la maîtrise ou non de l’allemand par les universitaires français. Ces deux éléments auraient mérité un traitement plus systématique, car ils forment la base de la réception internationale d’une œuvre en lien avec le rayonnement d’une historiographie et l’intérêt qui lui est porté collectivement ou individuellement.
L’argumentation de Genin repose, pour l’essentiel, sur l’analyse qualitative de publications de divers auteurs et sur des rapprochements qui semblent, dans plusieurs cas, quelque peu arbitraires et aléatoires. En voici un : les pages portant sur l’éventuelle lecture de Weber par Henri Pirenne (pp. 81-104) ne convainquent guère au sens où – excepté la mention du profit tiré par Henri Sée de l’article de Pirenne sur Les périodes de l’histoire sociale du capitalisme (qui ne concerne pas directement Weber) – l’historien belge ne joue pas le rôle de facilitateur dans la réception du sociologue allemand auprès des historiens français1. En effet, il est rappelé, à différents moments dans l’ouvrage, que c’est sous l’influence de Halbwachs et d’Aron et sous celle des historiens anglo-saxons, Richard Tawney et Moses I. Finley, que les historiens français sont sensibilisés à l’approche wébérienne de l’histoire.
Une démarche quantitative, notamment par la recherche des occurrences de L’éthique protestante de Weber (comme d’autres œuvres de ce dernier) dans les revues historiques françaises, de même qu’une analyse textuelle approfondie d’ouvrages mettant en évidence comment ils assimilent ou rejettent la thèse de Weber dans leur démonstration historique aurait été profitable. Ces deux approches auraient peut-être permis de combler quelque peu la sous-représentation historienne dans la troisième partie ; elles auraient de toute évidence amené à affiner la chronologie et à identifier une géographie de la réception de Weber en France montrant les écarts entre les pôles universitaires et éclairant leur rôle (tel que celui de l’université de Strasbourg dans les années 1920).
Au final, Vincent Genin a mené une riche enquête dans les archives d’institutions et d’historiens, qu’il aime à exploiter ; il a rassemblé une vaste littérature secondaire en français, très peu en allemand et en anglais. En ressort une publication foisonnante et assez touffue dont les raisonnements ne sont pas menés jusqu’au bout et partent bien souvent dans des directions différentes. La tendance de l’auteur à la digression nuit à la cohérence du propos et à la rigueur de la démonstration. Ce livre est, dès lors, une promenade à travers un siècle d’historiographie française en prise avec l’histoire économique et la sociologie allemandes où le nom de Weber côtoie ceux de Karl Marx et Werner Sombart (la principale référence des historiens). Quel impact L’éthique protestante de Max Weber a-t-elle eu vraiment sur les recherches des historiens français ? Il semble qu’il ait été assez faible, comme tend à le montrer cet ouvrage. D’autres preuves seraient encore à apporter. Cela passe, à mon sens, par une approche quantitative et intertextuelle d’analyse de revues et d’œuvres.

- Geneviève Warland, UCLouvain

Referenties

  1. De plus, ces pages comportent plusieurs erreurs et imprécisions. Ainsi, p. 40 : sous le nom de Felix Rachfahl, c’est Karl Lamprecht qu’il faut lire comme mentor de Pirenne, historien dont l’influence en Allemagne est toute relative à l’inverse de ce qu’affirme Genin. P. 88 : la Stadtwirtschaft est une catégorie établie par Karl Bücher, un historien de l’économie allemand qui inspira fortement Pirenne.