Le fonds du théâtre Tournesol – Théâtre national des enfants
Florian Van Gils, stagiaire aux Archives & Musée de la Littérature
Malgré sa courte existence, qui s’étale de fin mars 1971, avec la constitution de l’asbl Tournesol, à fin mai 1975, avec la liquidation financière de l’asbl, le théâtre Tournesol, aussi appelé Théâtre national des enfants (T.N.E.), a été un précurseur dans le domaine des arts vivants adressés aux enfants et aux adolescents. D’autres théâtres destinés aux plus jeunes existaient avant, notamment le Théâtre de l’Enfance fondé par José Géal, alias Toone VII, en 1954, mais c’était un théâtre de marionnettes. Le Tournesol fut le premier théâtre de Belgique francophone à s’adresser aux enfants de 4 à 17 ans avec des comédiens et comédiennes en chair et en os sur le plateau.
Ce fut aussi le premier à faire participer activement les enfants aux spectacles durant la représentation, via des scènes qui ne peuvent pas se dérouler sans l’intervention directe du public. Il est pourtant encore fort méconnu, et peu d’informations sur son existence sont disponibles aujourd’hui. Le fonds Tournesol aujourd’hui présent aux Archives & Musée de la Littérature de Bruxelles (AML) permet d’en savoir un peu plus sur ce théâtre pionnier.
Le Tournesol a été fondé le 31 mars 1971 par Jacques Dorval, alors comédien prolifique sur la plupart des scènes bruxelloises, et Renée Fuks, autrice et scénariste connue à l’époque grâce à la série télévisée pour enfants Bonhommet et Tilapin, diffusée sur la RTB de 1966 à 1971. Leur but était de créer des spectacles de qualité à l’attention des plus jeunes, avec l’idée que 1 Selon eux, « les enfants spectateurs d’aujourd’hui seront les spectateurs adultes de demain » 2, par conséquent il faut éduquer au théâtre dès le plus jeune âge, afin qu’il redevienne l’art populaire qu’il a un jour été, et non plus un art de niche pour classes aisées. Pour cela, ils voulaient diffuser leurs spectacles « par le truchement de l’institution où l’on peut atteindre toutes les classes sociales : à savoir : l’école primaire » 3.
Le fonds donne à voir cette démarche du Tournesol, présente dès sa fondation et à laquelle il restera fidèle jusqu’au bout. Cette volonté socioculturelle se retrouve au travers des huit spectacles créés par le théâtre, tous répertoriés par saison dans le fonds : L’Île au Dragon de Robert Bolt, traduit par Valérie Lanou, créé en septembre 1971 ; Le Rire jaune d’Arthur et Elisabeth Fauquez, créé en janvier 1972 ; Le Cadeau de Renée Fuks, suivi de Le Professeur Baromètre de Mary Cockson-Jones, adapté par Renée Fuks, créé en octobre 1972 ; L’oratorio La Paix sur la Terre de Renée Fuks, créé en décembre 1972 pour les fêtes de Noël ; Le Roi Mirliton de Pierre Gamarra, créé en septembre 1973 …
… ou encore Taupinette et ses amis de Renée Fuks, créé en janvier 1974 ; La Farce du Cuvier hier et aujourd’hui de Renée Fuks, créé en mars 1974 ; Un petit coq désobéissant de Ion Lucian, traduit par Laure Riga, créé en avril 1975.
Le Tournesol réalisait ses spectacles dans deux types de lieux : sous son chapiteau, ou dans des écoles de Bruxelles et de la région wallonne. Le théâtre n’avait pas de lieu fixe où planter son chapiteau, et a ainsi déménagé dans quatre lieux différents sur ses quatre ans d’existence en fonction du bon vouloir des communes bruxelloises : Il a d’abord été monté à Drogenbos, puis au parc Astrid à Anderlecht, au parvis Saint-Pierre à Woluwé-Saint-Pierre avant de finir ses jours à l’avenue du Globe, à Forest, juste à côté de Forest National.
Conformément à sa démarche, chacun des spectacles était accompagné de brochures pédagogiques destinés aux enseignants et animateurs. Les brochures sont toutes réalisées de manière similaire : un résumé du spectacle accompagné d’analyses psychologiques, sociales, textuelles et scéniques, le tout accompagné d’illustrations réalisés par le costumier/décorateur attitré de la troupe : Jean Lequeu. Les analyses sont accompagnées de questions et d’applications pratiques à réaliser en classe après la représentation, comme prolongement pédagogique des thématiques du spectacle.
Le fonds comprend également des fiches décrivant des animations, fêtes et collaborations artistiques réalisés par le Tournesol, que ce soit avec l’Unicef, la Croix-Rouge de Belgique, ou la compagnie du Chêne noir d’Avignon.
Malheureusement, et même s’il était à l’époque le théâtre pour la jeunesse le mieux subventionné de Belgique francophone, le Tournesol a toujours connu des problèmes financiers, l’empêchant parfois de payer correctement son équipe. Ces problèmes financiers, que Renée Fuks imputait à un manque d’intérêt des pouvoirs publics, non seulement pour le Tournesol mais plus globalement pour le théâtre jeunesse dans son ensemble, finiront par venir à bout du théâtre, qui doit annoncer sa mise en liquidation et sa dissolution fin mai 1975. Une aide exceptionnelle du ministère de la Culture est donnée au même moment pour aider le théâtre à tenir jusque septembre de la même année, cependant le fonds ne donne aucune information sur une quelconque activité du Tournesol au-delà de mai 1975.