Le Centre liégeois d’archives et de documentation de l’industrie charbonnière
Bruno Guidolin, Blegny-Mine asbl – CLADIC
Que sont devenues les archives des charbonnages après leur fermeture ? Certaines furent détruites, sciemment ou par négligence, des fonds furent éclatés et disséminés, des documents revendus comme vieux papiers, ou abandonnés et livrés aux dégradations et au vandalisme. Il est arrivé aussi que l’on anticipe… (si, si !) : dans le paysage archivistique liégeois, le dépôt principautaire des Archives de l’État a notamment récolté des archives de nombreuses entreprises1, dont des charbonnages, sous l’impulsion de l’archiviste et historien Georges Hansotte (1922-1995). D’autres institutions ont également joué un rôle similaire durant ces quarante dernières années dans la sauvegarde du patrimoine sociétal et industriel2.
Ce travail de préservation et de valorisation de la mémoire est aussi au cœur des préoccupations de l’asbl Blegny-Mine, une association qui, depuis 1980, permet au public de visiter les travaux souterrains de l’ancien charbonnage d’Argenteau.
En plus de la visite du charbonnage, cette association a développé plusieurs outils complémentaires tels qu’un musée de la mine, un musée de plein air, la mise en valeur du biotope de ses terrils ou un programme d’animations pédagogiques (avec ou sans séjour).
Cependant, tout au long de ses vingt premières années d’existence, Blegny-Mine a aussi reçu des documents et des objets de nombreux visiteurs ; certains d’entre eux s’interrogeaient sur leurs origines ou sur l’histoire de leur région. S’exprimaient donc les besoins d’un lieu de conservation de ces items et d’un point d’information du public. C’est ainsi qu’est né le Centre liégeois d’archives et de documentation de l’industrie charbonnière (CLADIC).
Cette réalisation a pu aboutir grâce à un financement de la Province de Liège pour l’acquisition et l’aménagement du bâtiment, un ancien garage automobile jouxtant le site minier, et à une collaboration étroite avec le CHST-ULg pour la partie documentaire.
Le CLADIC est donc un service de Blegny-Mine et non un centre d’archives privées indépendant. Il est géré par du personnel provincial et financé sur fonds propres par l’asbl Blegny-Mine à hauteur de 25.000 € annuels. Ces fonds propres sont cependant tributaires de la fréquentation du site et donc de la conjoncture économique… et sanitaire ; nul besoin de rappeler ici que les millésimes 2020 et 2021 n’ont pas été des périodes fastes pour des secteurs que d’aucuns se sont plus à qualifier de non essentiels.
D’une plate-forme d’informations et de documentation sur l’industrie charbonnière, les missions se sont étendues presque naturellement à la collecte, dans des institutions, des entreprises et chez des particuliers, de documents ayant trait à l’industrie charbonnière en Belgique, mais également à l’inventaire, dans une base de données, de toute référence se rapportant de près ou de loin à l’industrie charbonnière belge, européenne et mondiale.
Que trouve-t-on au CLADIC ?
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une bibliothèque rassemblant de la documentation relative à l’industrie minière collectée par le CHST-ULg, Blegny-Mine, l’Institut scientifique de service public (ISSeP)3 et complétée par des dons et des dépôts de particuliers. Cette somme correspond à ce jour à un fonds d’environ 47.000 documents (monographies, tirés à part et articles) et à un catalogue de plus de mille titres de périodiques (en français, néerlandais, anglais, allemand et même russe !), le tout paru entre 1525 et 2021.
Les thèmes abordés concernent bien entendu l’industrie charbonnière et, par extension, l’industrie minière sous les aspects géologiques, d’exploitation, techniques, économiques, historiques, sociaux, juridiques et littéraires. Nous conservons ainsi une série du Journal des mines, des Annales des travaux publics de Belgique et des Annales des mines de Belgique, couvrant à ensemble deux cents ans d’activités industrielles, et des charbonnages en particulier. Ces publications recèlent des études sur les techniques nouvelles mises en œuvre dans les mines, des analyses sur les points juridiques de la matière, des actualités sur les évolutions des installations industrielles ainsi que des données statistiques précieuses.
Signalons en outre la présence en nos locaux de la bibliothèque de l’association Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles qui est composée d’un bon millier de documents abordant les activités industrielles sous les angles à la fois patrimoniaux, historiques et techniques. -
une iconothèque constituée de vingt mille documents physiques (tirages, plaques de verre, diapositives, négatifs, tableaux, cartes et plans), d’origines très diverses, auxquels il faut ajouter une collection de photographies numériques de Blegny-Mine (trente mille images !) qui couvrent l’intégralité des activités du site et illustrent chaque étape de son essor du début des années septante à nos jours, de même que des reportages plus récents sur le patrimoine industriel et minier. Par ailleurs, des campagnes de numérisation nous permettent de sauvegarder de nombreuses photographies issues de collections privées.
En guise d’exemples d’acquisition, citons un album photographique des charbonnages du Val Benoît (fin du 19e siècle) dont les clichés furent réalisés par Charles-Honoré Lallement (montrant des groupes de mineurs en surface et des installations superficielles), un ensemble de photographies réalisées par Désiré Deleuze (évoquant le travail dans les charbonnages belges durant la seconde moitié du 20e siècle) ou l’importante photothèque de l’Institut national de l’industrie charbonnière (illustrant les évolutions technologiques dans les mines). -
un centre d’archives qui récolte ou localise les fonds d’archives des charbonnages du bassin de Liège et d’entités gravitant autour de l’industrie minière (ingénieurs des mines, organismes de recherches, etc.).
Nous comptons actuellement cinq cents mètres linéaires d’archives réparties en une trentaine de fonds parmi lesquels le fonds des frères Pierre et Jean Stassen, tous deux ingénieurs des mines de formation et enseignants mais aussi directeur de l’Institut national de l’industrie charbonnière (pour le premier) et inspecteur général des mines (pour le second), fonds qui propose un panorama sur l’industrie houillère, de l’entre-deux-guerres à la fin du 20e siècle, à l’échelle belge et européenne puisque Jean travailla longtemps au sein de l’Organe permanent de la CEE.
Nous disposons également d’un ensemble conséquent de livrets d’ouvriers mineurs du bassin de Liège (plus de 88.000 pièces), qui représentent une source particulièrement intéressante dans des recherches généalogiques ou des questions traitant de la rotation du personnel ou de l’immigration. Ces carnets ont été déposés dans les années 1980 au Musée du fer et du charbon puis ont rejoint les locaux de l’ILHS avant d’être transférés à Blegny-Mine en 20034.
Quant à nos activités de valorisation, celles-ci peuvent aller de « simples » fouilles dans nos ressources à des projets plus ambitieux tels que la rédaction de synthèses thématiques pour des publications (scientifiques ou promotionnelles) ou des expositions et ce, tant pour satisfaire des demandes internes à Blegny-Mine que pour des requêtes extérieures (étudiants ou bureaux d’études dans le cadre de la dépollution des sites industriels). Ainsi, nous avons dernièrement participé à la réalisation de plusieurs articles présentant des objets singuliers de nos collections muséales comme un appareil à tester les lampes de mines ou des respirateurs5.
En ce qui concerne son personnel, le CLADIC emploie deux équivalents temps plein (un bibliothécaire-documentaliste et un auxiliaire de bibliothèque détachés par la Province de Liège) qui doivent assumer les missions de collecte, de tri, d’équipement, d’inventaire, de classement, de recherche (interne et externe), de valorisation, d’accueil et d’animation six jours sur sept en plus de la participation ponctuelle ou régulière aux activités propres de Blegny-Mine (musée, expositions, collectes de témoignages, rédaction d’articles, etc.). C’est peu, nous en convenons !
Les ressources du CLADIC sont disponibles librement en consultation (à l’exception des documents contenant des données à caractère personnel pour lesquels une demande motivée doit être formulée au préalable) mais les emprunts ne sont pas permis.
Notre institution accueille gratuitement les lecteurs sur rendez-vous du lundi au vendredi de 9 à 17h, le mercredi jusque 18h30 et le samedi de 9 à 12h.
Plus d’infos : CLADIC. Rue Lambert Marlet 17 à 4670 Blegny. Tél. 04 237 98 18. Courriel cladic@blegnymine.be. Sur le Web : www.bibliocladic.be et www.blegnymine.be
Webreferenties
- Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles: http://www.patrimoineindustriel.be
- réparties en une trentaine de fonds: http://bibliocladic.be/dyn/portal/index.seam;jsessionid=f296a84382e351fd68563557675e?espaceId=101&page=home2&
- cladic@blegnymine.be: mailto:cladic@blegnymine.be
- www.bibliocladic.be: http://www.bibliocladic.be/
- www.blegnymine.be: http://www.blegnymine.be/
Referenties
- Voir sur le sujet : Hansotte, Georges, « Les archives d’entreprises et les archives des institutions publiques : le cas des Archives de l’État à Liège », dans : Miscellanea : offerts à Marie-Rose Thielemans, …: sauvegarde et exploitation des archives d’entreprises : actes de la journée d’étude du 21 mai 1986 = Miscellanea : aangeboden aan Marie-Rose Thielemans, …: behoud en valorisatie van de bedrijfsarchieven : handelingen van de studiedag van 21 mei 1986 (Bruxelles : Archives et bibliothèques de Belgique, 1987), 79-82.
- Soulignons à ce titre les actions de l’Atelier liégeois pour la promotion de l’histoire et des archives sociales (ALPHAS, aka ILHS-Institut liégeois d’histoire sociale) ; de l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES) ; de la Maison de la métallurgie et de l’industrie de Liège (aka Musée du fer et du charbon) ; du Musée de la vie wallonne ; sans oublier le Centre d’histoire des sciences et des techniques de l’Université de Liège (CHST-ULg), aujourd’hui disparu et dont les archives ont rejoint celles des AGR.
- Ou ISSeP, successeur de l’Institut national des industrie extractives (INIEx) lui-même descendant de l’Institut national de l’industrie charbonnière (INICHAR), institut fondé après la Seconde Guerre mondiale et chargé notamment de la réalisation de recherches dans le domaine charbonnier.
- Pour une présentation complète du livret d’ouvrier, nous renvoyons le lecteur à l’étude suivante : Leboutte, René. Le livret d’ouvrier dans la province de Liège : une source méconnue en histoire sociale : présentation et premiers résultats d’exploitation (Liège : Musée de la vie wallonne, 1988).
- Parus en 2021 dans la revue « Des usines et des hommes », éditée par l’asbl Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles, sous les titres « Les respirateurs de Théodore Schwann classés comme trésors par la Fédération Wallonie-Bruxelles » et « Un appareil d’essai des lampes à l’Institut national des mines. Un exemple d’émulation internationale ? »