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Sels, Geert, Kunst voor das Reich : op zoek naar naziroofkunst uit België (Bruxelles : Lannoo, 2022), 432 p.

Virginie Devillez et Kim Oosterlinck, Université libre de Bruxelles

Le livre de Geert Sels constitue une avancée majeure pour la compréhension du pillage des œuvres d’art en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale. Aucune étude approfondie sur le sujet n’avait jusqu’ici vu le jour. D’abord car les travaux liés à la question de la Culture et des Beaux-Arts durant la période 1940-1945 avaient laissé cette thématique de côté ; il était alors entendu qu’elle serait traitée par les attachés de la Cellule Récupération des biens spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale en Belgique créée en 1997 au sein du SPF Economie. Dans la foulée avait aussi été créée la Commission d’études des biens juifs, mieux connue sous le nom de « Commission Buysse », qui devait également donner un nouvel élan au dossier des spoliations et restitutions, resté en suspens depuis la mission ciblée et restreinte de l’Office de Récupération économique créée au lendemain de la Libération (une liste d’objets d’art spoliés avait été dressée, non exhaustive, sans plus, une situation généralisée au sein d’autres pays européens).
Il faut néanmoins préciser que cette reprise d’intérêt en Belgique, dès 1997, avait précédé d’un an la Conférence de Washington de 1998 sur les biens confisqués à l’époque de l’Holocauste. À son issue, on avait statué sur 11 principes acceptés internationalement dont le but était de faciliter l’accès aux archives et les recherches de provenance, d’identifier les œuvres spoliées, d’encourager les demandes des familles spoliées et de simplifier les procédures de restitutions.
Pourtant, malgré cette Conférence et l’espoir né de la Commission Buysse qui avait partiellement éclairé la problématique complexe que représente le cas belge en matière de spoliation des biens juifs, aucun mode opératoire pro-actif axé sur la restitution n’avait vu le jour. Aujourd’hui encore, et le livre de Geert Sels le confirme, la démarche doit encore provenir des familles spoliées, qui doivent fournir des preuves de leurs droits sur les œuvres mises en cause, une démarche très compliquée.
En effet, Geert Sels montre que les cas relevant du territoire belge sont très complexes car la situation en Belgique fut très spécifique. Premièrement, en tant que petit pays entouré de grands marchés, le marché de l’art belge a servi de plaque tournante à de nombreux échanges tant avec la France que les Pays-Bas. En conséquence, de nombreuses œuvres d’art ont transité par d’autres pays avant de rejoindre l’Allemagne. Ceci n’est pas sans conséquence puisqu’à l’issue de la guerre de nombreuses œuvres ont été erronément renvoyées en France ou aux Pays-Bas, rendant le suivi de la provenance d’autant plus difficile. Deuxièmement, la Belgique a accueilli, avant-guerre, de nombreux réfugiés fuyant le régime nazi. Que ce soit comme destination finale ou comme lieu de transit la Belgique a donc été un important lieu où des personnes en situation précaire ont séjourné. Cet état de fait est important à deux titres : d’une part la précarité des situations a pu contraindre ces personnes à vendre des œuvres d’art contre leur gré (dans des ventes forcées), d’autre part, le caractère éventuellement transitoire du passage par le Royaume peut restreindre fortement les sources disponibles pour suivre les trajectoires individuelles. Troisièmement, la Belgique connaissait un marché de l’art actif et orienté internationalement, avec en son sein des collectionneurs et des collections de premier plan et était le lieu de production historique d’œuvres d’art particulièrement prisées par les dignitaires nazis. A cet égard, elle constituait une cible de choix pour le pillage. Malgré, mais peut-être aussi à cause de tous ces éléments, la littérature scientifique sur le pillage des œuvres d’art durant la seconde guerre mondiale en Belgique est extrêmement limitée. Le livre de Geert Sels vient donc combler un vide dans la littérature.
Le livre se base sur un vaste ensemble d’études de cas. Ce faisant, il détaille non seulement les techniques de spoliation mais aussi le marché de l’art en Belgique peu avant et durant la guerre. Malgré la centralité du marché belge, celui-ci demeure assez peu étudié. Le livre de Geert Sels contribue donc aussi à une meilleure compréhension des acteurs et de leur rôle. L’analyse des études de cas met aussi en avant la manière dont les œuvres d’art ont pu servir de monnaie d’échange pour obtenir un visa. La pratique était déjà connue dans le cas de personnes voulant fuir le régime nazi, le marchand d’art Nathan Katz payant sa fuite et celle-de sa famille en offrant des œuvres d’art à des dignitaires nazis1. Ce qui est extrêmement intéressant, et pour le moins choquant comme le montre Geert Sels, est que ce genre de pratique fut utilisé par l’État belge pour autoriser l’arrivée sur son territoire de personnes fuyant le régime nazi !
Un autre élément mis en avant par l’analyse de Geert Sels est le rôle des musées. La littérature sur leur implication dans les pillages reste sous-étudiée pour les pays occupés même si un récent ouvrage met en avant leur rôle dans le cas français2. L’étude de Geert Sels montre que les musées belges étaient des acteurs importants en tant que récipiendaire d’œuvres d’art que celles-ci aient été « reçues » ou « achetées » en échange de visas, mises en sécurité par des personnes craignant le conflit ou encore leur rôle sur le marché de l’art. A titre plus individuel, l’analyse montre aussi les transactions pour le moins douteuses de plusieurs conservateurs. Du côté des acquisitions, la volonté d’accroissement des collections en Allemagne concerne évidemment le musée mégalomaniaque qu’Hitler envisageait de créer à Linz mais aussi le « Rhineland Gang » dont les visées sur le marché belge sont mises en exergue.
Les cas individuels montrent toute la complexité du sujet. Du côté de la collaboration active, des marchands entretenant des relations poussées avec les nazis se révèlent être des résistants (ou à tout le moins échappent aux poursuites pour cela). Le principal marchand collaborateur, Maurice Lagrand, reste entouré de mystère malgré toutes les recherches effectuées et la singulière disparition du dossier de l’auditorat le concernant. De l’autre côté, les fins dramatiques sont malheureusement légion. Alors qu’aux Pays-Bas, Gustav Cramer arrive à échapper à la mort en vendant des œuvres aux dignitaires du régime, le Bruxellois Seyffers se voit lui et sa famille, déporté en 1944. La dureté de la machine administrative est mise en avant et montre comment des juifs ayant fui l’Allemagne nazie se sont d’abord retrouvés internés comme ennemis par la Belgique, puis ont dû se cacher, pour à la libération se voir à nouveau traités comme des ennemis puisqu’étant allemands d’origine.
L’ouvrage de Geert Sels fait un état d’un grand nombre de cas et d’exemples éclairants qu’il a pu relater avec force et détail grâce à un travail titanesque de dépouillement d’archives tant en Belgique qu’à l’étranger, tant privées que publiques, muséales et institutionnelles, pour retracer les pérégrinations de certains collectionneurs Juifs et de leurs œuvres. Ces destins souvent tragiques retracés par Geert Sels auraient parfois pu être regroupés dans des synthèses plutôt que d’être détaillés dans des chapitres différents ; cette méthode induit parfois une construction un peu sensationnaliste ; ainsi p. 26 de la version française, allusion est faite à Julius Gerson qui s’installe 171 rue du Hêtre à Forest en 1938, « une adresse dont l’importance apparaîtra plus loin dans notre récit ». De temps à autres aussi, le ton se fait par trop lyrique (p. 80 : « L’Histoire est une interlocutrice capricieuse »), parfois aussi moralisateur, l’auteur sachant en effet qu’il a le beau rôle au sein d’un dossier que les autorités belges ont trop longtemps laissé de côté. Il n’empêche que Geert Sels signe ici un ouvrage de référence sur le pillage d’art en Belgique.

- Virginie Devillez, Université libre de Bruxelles ; Kim Oosterlinck, Université libre de Bruxelles

Referenties

  1. Oosterlinck, Kim, « Gustav Cramer, Max J. Friedländer and the Value of Expertise in the Arts », Capitalism : A Journal of History and Economics, 3:1 (2022), 19-56.
  2. Furtwängler, Elisabeth & Lammert, Mattes (dir.), Kunst und Profit : Museen und der französische Kunstmarkt im Zweiten Weltkrieg (Berlin : Walter de Gruyter GmbH & Co KG, 2022), 300 p.