Geert Vanpaemel, Wetenschap als roeping. Een geschiedenis van de Leuvense faculteit voor wetenschappen. Leuven: Universitaire Pers Leuven, 2017.
Jan Vandersmissen, UGent
2017 est une année faste pour l’histoire des universités en Belgique. Les célébrations des bicentenaires des Universités de Gand et de Liège donneront lieu à une impressionnante série de réflexions et d’analyses historiographiques, qui se concrétiseront dans des expositions et publications de prestige. L’historienne Gita Deneckere a écrit une monographie ambitieuse sur le thème de l’engagement social dont a fait preuve l’Université de Gand au cours de ses 200 ans d’existence. Cette étude deviendra le point culminant d’un grand projet commun, lancé dès 2010 sous la devise « 200 jaar UGent : Durf her-denken » qui invite les historiens gantois à « repenser » de manière intégrale l’histoire institutionnelle de leur Alma Mater. Travaillant sur la « mémoire » de leur communauté scientifique, ils dévoilent un éventail d’aspects inconnus de la vie académique et scientifique dans son contexte politique et social à travers l’approche méthodologique de l’histoire publique (Public history). Le site UGentMemorie est conçu comme une mémoire virtuelle, rassemblant histoire, souvenirs et patrimoine d’une collectivité intellectuelle qui a interagi en permanence avec la ville et le monde, basculant entre engagement local et cosmopolitisme. À Liège, un ouvrage richement illustré, réalisé sous la direction de Juliette Dor, Claire Gavray, Marie-Élisabeth Henneau et Martine Jaminon, sera consacré à la féminisation de l’Université de Liège, tandis que Philippe Raxhon et Veronica Granata sortiront bientôt un livre intitulé Université de Liège (1817-2017) – Mémoire et Prospective, dont l’ambition est de livrer le récit « d’une grande aventure scientifique et humaine, un tissu d’expériences, de rebondissements, de conflits, de défis, en résonance avec les époques traversées de 1817 jusqu’à nos jours ».
Cette vague de publications consacrées aux origines et à l’évolution des deux universités d’État risquerait de faire oublier que 2017 est également une importante année commémorative pour la Katholieke Universiteit Leuven. Avec son étude fascinante sur l’histoire de la Faculté des Sciences de Louvain, l’historien des sciences Geert Vanpaemel, a évité ce potentiel oubli en mettant en lumière la pluralité des dynamiques engendrées par les réformes académiques réalisées sous le régime hollandais en 1817 – véritable année charnière dans l’histoire des universités belges. En effet, Louvain a elle aussi accueilli une université d’État. Sa Faculté des Sciences avait pour mission de stimuler la vie scientifique dans la partie méridionale du Royaume uni des Pays-Bas. Officiellement, cette Faculté n’a existé que durant treize ans. Après l’indépendance belge, elle a encore fonctionné cinq ans en tant que Faculté libre. Avec la fondation de l’Université catholique de Louvain en 1834, son rôle fut redéfini. Pendant quelque temps, elle eut le statut de propédeutique. Son rôle était limité à organiser une formation préparatoire aux étudiants qui entreprenaient des études de médecine. Après trente ans, la Faculté a réussi à déployer ses ailes pour jouer un rôle plus actif au sein de la communauté universitaire.
Au cours de sa longue carrière, Geert Vanpaemel a démontré, à plusieurs reprises, qu’il connaît en profondeur tous les aspects de la longue histoire de l’Université de Louvain. En 1986, il a fait ses débuts avec une étude remarquable sur la science mécaniste à la Faculté des Arts de l’ancienne Université dans la période 1650-1797. Depuis, il a publié des dizaines d’études axées sur la dimension culturelle de la science et de la circulation des connaissances, principalement dans les Pays-Bas méridionaux après 1500. Au cours des dernières années il s’est fait remarquer par ses importantes contributions à la réalisation d’expositions historiques (par exemple celle sur la vie et l’œuvre de Gérard Mercator) et, en 2016, il a réalisé, en collaboration avec Joris Snaet, un livre sur l’Institut de bactériologie de Louvain. En raison du caractère de plus en plus généraliste de ses recherches et stimulé par les activités liées à sa fonction de Président de la Commission du patrimoine académique de la KULeuven, Geert Vanpaemel adopte toujours un style clair et précis, rendant tous ses écrits très accessibles et agréables à lire.
Ce livre sur l’histoire de la Faculté des Sciences en est un excellent exemple : bien qu’il soit relativement concis, il explique de manière compréhensible comment la Faculté des Sciences de Louvain a dû lutter pour justifier son existence. En outre, l’auteur explique de manière convaincante toutes les dimensions de l’exercice d’équilibre entre propagande catholique, utilité sociale et science pure. Il décrit comment la Faculté n’a réussi à prendre son propre destin en main qu’à la fin du XIXe siècle. Depuis, la recherche scientifique est devenue la norme. Plusieurs chapitres de ce livre traitent en détail du rôle de la Faculté dans la « scientification » de l’enseignement universitaire. En outre, l’interaction permanente entre la Faculté, l’Université et la société n’est pas perdue de vue. En ce sens, ce livre est complémentaire à la production scientifique récente mentionnée plus haut sur les Universités de Gand et de Liège.
Cette synthèse se centre sur les différentes valeurs et qualités du « scientifique désintéressé », qui, dans sa quête de la vérité, cherche à accroître ses connaissances. Le mot roeping ou « vocation » utilisé dans le titre est bien choisi pour cette étude consacrée à la culture scientifique à l’intérieur d’une université catholique. Il se réfère à un discours de 1951, prononcé par Honoré Van Waeyenbergh en honneur du zoologiste Henri Koch. Le Recteur y explique ce que signifie être un « scientifique ». Spontanément, on cherche une connexion avec la vocation religieuse – l’idée que la foi renforce l’acceptation d’une tâche à laquelle une personne consacre toute une vie avec conviction. La vocation scientifique est évidemment fondée sur d’autres principes, et s’exprime par la discovery research, mue par une curiosité personnelle. Cependant, comme l’a souligné à juste titre l’auteur, les caractéristiques matérielles et culturelles de la recherche scientifique sont actuellement très différentes, de celles des années 1950 et parfois, la grande ambition de la « vocation » est modérée par des soucis quotidiens. Néanmoins, aujourd’hui encore, beaucoup de scientifiques se reconnaissent dans la vision de Van Waeyenbergh.
Le livre est divisé en six chapitres de longueur à peu près égale. Il suit une structure chronologique classique, parfaite pour ce type de publications. Le premier chapitre traite des origines de la Faculté des Sciences sous le régime hollandais. L’existence de l’Université d’État fut de courte durée, mais elle eut le mérite de produire un certain nombre de chercheurs qui marqueront l’organisation de la science en Belgique dans les périodes ultérieures. Le deuxième chapitre couvre les trente premières années de l’Université catholique, sous le long rectorat de P.F.X. De Ram qui stimulait l’idée que l’Université devait jouer un rôle principal dans la propagation d’une science inspirée par la religion catholique – ce qui a finalement suscité, chez certains acteurs au sein de la Faculté, une réticence prudente envers le mot d’ordre venant d’en haut. Le troisième chapitre, qui est le plus fascinant, décrit la percée des sciences de la recherche à l’Université, reliant – suivant le modèle allemand – éducation et recherche dans une infrastructure adéquate : le laboratoire. L’auteur souligne avec justesse les mérites de l’Institut Carnoy et consacre plusieurs pages aux développements de la physique et de la chimie après la Première Guerre mondiale. Le quatrième chapitre fait le pont avec la recherche du XXe siècle, qui est devenue de plus en plus internationale et collective. En outre, l’énorme expansion nécessitait la mobilisation de budgets importants avec comme conséquence une restructuration profonde du financement de la recherche à différents niveaux. Le cinquième chapitre traite du champ évolutif de tensions entre foi et science à l’intérieur d’une institution universitaire catholique qui s’est ouverte progressivement au monde séculier. Enfin, le sixième chapitre aborde la période des années 1960 à aujourd’hui, à grands traits et avec une distance appropriée, compte tenu de la nature récente des tendances esquissées.
Webreferenties
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