La saicom : sauvegarde des archives des charbonnages du Borinage et des industries de Wallonie
Camille Vanbersy, responsable scientifique, SAICOM (Sauvegarde des Archives industrielles du Couchant de Mons)
L’histoire des régions du Borinage et de Charleroi se caractérise depuis le XIXe siècle par une place prépondérante de l’industrie. La première image venant à l’esprit lorsque l’on évoque ces pays noirs est bien souvent celle de terrils, de châssis à mollettes et de cheminées. À la suite des charbonnages, les industries métallurgiques, verrières, de constructions métalliques… ont continué à façonner notre paysage industriel. Les fermetures des charbonnages d’Hensies Pommeroeul en 1976 et du Roton en 1984 sonnent le glas de ce type d’exploitation en Wallonie. Le déclin industriel entamé alors entraîne avec lui bon nombre de fleurons du savoir-faire wallon. Rapidement, le sauvetage et la conservation de la mémoire de ces entreprises apparaissent comme une nécessité d’autant plus urgente que les friches industrielles se multiplient.
A l’origine de l’Asbl SAICOM, deux historiens, Ann Farber et Philippe Delforge, qui découvrent dans les greniers de l’ancien Charbonnage du Levant à Cuesmes des quantités importantes d’archives issues des charbonnages de la région et des institutions qui s’y rattachent. Après des démarches multiples, et parfois complexes, une grande partie de celles-ci ainsi que des revues et des ouvrages de références sont récupérés. Naît alors le Centre d’études sur l’industrie houillère du Borinage. En 1987, l’asbl Sauvegarde des archives industrielles du Couchant de Mons, SAICOM, est créée et reprend les activités du centre.
Grâce à diverses subventions de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le centre peut depuis lors mener à bien ses missions de sauvegarde, d’inventaire, de communication et de mise à disposition de ce patrimoine inestimable.
La période chronologique couverte par les documents s’étale du XVIIe au XXIe siècle. Ainsi, aux côtés des documents produits en 2014 par l’usine verrière AGC de Roux à quelques jours de sa fermeture, prend place un registre des baux annuels d’exploitation des veines de charbon octroyés par l’abbaye de Saint-Ghislain dont le premier document remonte au 24 février 1644.
À l’origine, les archives conservées concernaient uniquement les industries du bassin du Couchant de Mons, zone géographique et géologique délimitée par l’Administration des Mines et comprise entre la frontière française et la ville de Mons. Par la suite, l’espace géographique envisagé par les archives croît au gré des sauvetages, des dons et des dépôts. Actuellement, l’espace couvert s’étend de Bernissart à Falisolle en passant par Mons, La Louvière et Charleroi.
Le noyau d’archives originel est constitué des documents produits par les charbonnages. Le classement suit l’organigramme des services des dernières sociétés en activités, regroupant elles-mêmes les archives des sociétés antérieures dont elles sont les héritières. Pour le Borinage, on retrouve les cinq sociétés de la S.A. des Charbonnages du Borinage ainsi que les Charbonnages d’Hensies-Pommerœul et de Bernissart. Pour le Centre et Charleroi, citons les très riches archives de la S.A. des Charbonnages du Bois-du-Luc ou encore de la S.A. des Charbonnages du Roton à Farciennes, mais également les sociétés du Petit-Try, de Ressaix, du Gouffre…. Parmi ces documents, les registres des conseils d’administrations et des rapports rédigés par les directeurs renseignent de manière précise sur le vécu et les activités du charbonnage que ce soit en termes de production mais également sur bien d’autres aspects tels que les conditions de travail, les innovations techniques, les mouvements sociaux, la vie quotidienne des travailleurs… Les livrets et carnets de travail des ouvriers renseignent sur les carrières et fournissent parfois des témoignages photographiques émouvants pour les descendants de ces travailleurs. De nombreux plans ont également été conservés. Ils concernent tout à la fois l’exploitation même du charbon : plan de surface, plan des sièges d’exploitation, plan des concessions, coupe stratigraphiques, tracés des galeries et veines de charbon… Ils témoignent également des politiques paternalistes menées par les charbonnages et dévoilent les architectures et organisation des maisons, jardins, salles de spectacles, magasins, cantines, baraquements… créés par ces entreprises pour attirer et fixer leur main d’œuvre. Parmi ces plans, certains se distinguent par une recherche esthétique remarquable. En témoigne l’exemple ci-dessous représentant des logements de la S.A. des Charbonnages d’Hensies-Pommerœul.
D’importantes séries de dossiers relatifs aux dégâts miniers contenant correspondance, plans et photographies d’habitation constituent des sources de premier plan pour les études environnementales ou architecturales. Enfin, aux côtés de ces séries, la correspondance, les dossiers documentaires, la comptabilité, les dossiers du personnel… permettent de s’approcher au plus près de la réalité de ces importantes industries.
Les archives des institutions liées à l’activité houillère, avec au première plan, les associations houillères des bassins du Couchant de Mons, du Centre et de Charleroi témoignent des rapports existants entre les différents producteurs, des ententes et des divergences ayant existé dans la définition de leurs politiques commerciale et/ou sociale. Au niveau national, les cartons-comptes issus du Fonds national de retraite des ouvriers mineurs fourmillent de détails généalogiques et professionnels sur les ouvriers mineurs. Ces documents ont fait l’objet d’un article dans les cahiers de la documentation en 2016.
Rapidement, d’autres types d’entreprises et d’institutions ont rejoint les archives charbonnières. Ansi par exemple, les industries de constructions métalliques et métallurgiques sont-elles bien représentées dans les collections. Citons par exemple les Forges, Usines et Fonderies d’Haine-Saint-Pierre, les Ateliers La Louvière-Bouvy, les Ateliers J. Hanrez ou encore la S.A. Baume et Marpent dont les archives témoignent du rayonnement international au travers notamment des plans de constructions destinés au Chili, au Brésil, à l’Égypte, au Congo… À cela s’ajoutent les archives des entreprises verrières (telles les Verreries et Gobeleterie de Manage et AGC-Roux) et l’industrie chimique (dont l’important fonds des Usines Solvay de Couillet). La diversité des domaines couverts est grande, en témoigne la présence d’un fonds relatif à l’Usine Kwatta renfermant entre autre des étiquettes d’emballage de chocolat, mais aussi d’archives de la Faculté polytechnique de Mons etc. Aux côtés de ces noms reconnus prennent place d’autres entreprises, de petits ateliers, plus modestes mais qui, à une échelle locale, ont fait l’histoire de l’industrie wallonne. Les papiers personnels d’ingénieurs, de professeurs d’universités ou d’hommes politiques viennent compléter les archives des entreprises.
De plus, l’apport en juin 2018 de 1500 mètres linéaires d’archives supplémentaires en provenance de l’Écomusée du Bois-du-Luc, aujourd’hui rebaptisé Bois-du-Luc Musée de la Mine et de Développement Durable permet une diversification des domaines industriels couverts et porte à 3000 mètres linéaires le volume de documents conservés.1
Enfin, notre centre conserve également une importante collection de catalogues d’industries détaillant de manière illustrée leur savoir-faire.
Un guide des fonds et collections présentant l’ensemble des fonds conservés est accessible en ligne. De plus, au début de l’année 2018, le centre s’est doté d’une nouvelle base de données permettant aux chercheurs de découvrir ses collections. À ce jour, une grande partie des ouvrages de la bibliothèque de même que la collection iconographique, numérisée, sont accessibles en ligne. Les inventaires seront intégrés dans les mois à venir.
En 2018 et 2019, le retrait définitif des concessions boraines signe la fin des liquidations des sociétés charbonnières et annonce l’arrivée au SAICOM des derniers documents témoignant de leur existence. Dès lors ce ne sont pas moins de 1500 mètres linéaires supplémentaires qui rejoindront nos collections dans les prochains mois portant le volume des documents conservé par le SAICOM à 4500 mètres linéaires de dossiers, de plans, de photographies… qui promettent encore de nombreuses années de travail et de découvertes pour les archivistes et les chercheurs qu’ils soient historiens, géologues, généalogistes ou simples passionnés d’histoire industrielle.
Webreferenties
- SAICOM: http://www.saicom.be
- livrets et carnets de travail: http://saicom.be/pdf/Livret%20ouvrier.pdf
- article: http://www.patrimoineindustriel.be/public/files/accueil/vanbersy.pdf
- Bois-du-Luc Musée de la Mine et de Développement Durable: http://www.ecomuseeboisduluc.be
- base de données: http://www.collections.saicom.be
Referenties
- Cet important dépôt permet également de réunir et de compléter des fonds déjà présents au SAICOM. Citons par exemple le fonds de la S.A. des Charbonnages du Bois du Luc constitué d’une part des archives conservées depuis la fermeture sur le site par l’Écomusée et d’autre part du dépôt réalisé au SAICOM par la société en liquidation en 2016. Cet ensemble représente plus de 300 mètres linéaires.