Fonds Claude Seigne, danseuse, voyageuse et écrivaine aux multiples facettes
Née à Plovdiv, en Bulgarie, Maria Magdaleni Sotiropoulos (1908-1999), devenue Madeleine Féron par son mariage, puis Claude Seigne par sa plume, est, comme son nom l’indique, d’origine grecque. Elle vécut dans les Balkans jusqu’à l’âge de dix ans avant d’entamer une série de voyages qui l’emmenèrent à Athènes, au Caire, à Constantinople (Istanbul) et en Asie Mineure puis à Paris, Londres et, enfin, Bruxelles où elle s’installa définitivement et prit la nationalité belge, non sans continuer d’explorer le monde en parcourant le Canada, les États-Unis et la quasi-totalité de l’Europe. Si le voyage occupe une place considérable au sein de son œuvre, c’est aussi le cas de la danse, car Claude Seigne fut danseuse avant d’être écrivaine. À un éventail d’activités déjà bien large, elle a aussi ajouté les fonctions de librettiste de ballets, de conteuse, dramaturge et romancière.

Elle connut ainsi quelques succès avec ses ballets, qui furent notamment représentés au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles par l’École de danse Jane Periphanos en 1946, 1947 et 1950 et au Théâtre 140 en 1966, et avec ses contes et nouvelles comme La Femme qui a perdu ses mains (1941), La Chambre de Lune (1942), La Pieuvre blanche (1943), Lucien Argent. Certains de ses autres courts textes furent publiés dans la presse (La Tasse, Ballade de la ville détruite, L’Incendie, Pâques orthodoxes à Paris, Chansons de la mer Égée, Un cauchemar, Nocturne, Ténèbres, etc.), tandis que plusieurs de ses romans furent édités, parmi lesquels La Longue Route (1946), Les Lois obscures (1950) ou Le Bourreau est innocent (1963) qui faillit être adapté par Jean Delire au cinéma (la convention auteur-réalisateur-producteur est signée en 1971).
Plusieurs de ses pièces de théâtre furent montées sur scène, comme Hélène ou la femme qui trouvait le monde trop petit (adaptation de son roman Les Lois obscures), Le Lauréat ou les malheurs de Barnabé (1962), Gilberte, Belle, écrite avec Yves Larec et qui fut adaptée à la télévision par Jean Delire en 1967, rencontrant un vif intérêt dans divers pays comme la Tchécoslovaquie, l’Italie et l’Autriche, ou Le Hold up, encore avec Yves Larec, une comédie musicale qui montre bien l’attrait de l’autrice pour ces deux arts que sont la musique et le théâtre. Claude Seigne essuya également quelques échecs : elle essuya les refus d’édition du Miroir aux catins (en 1954 et en 1965) et du Second Violon (en 1965), deux romans qu’elle espérait voir publiés par Albin Michel qui avait accepté plus tôt La Longue Route et Les Lois obscures. Elle dut faire face à des critiques négatives à propos de son style dans plusieurs articles et fut confrontée à des problèmes d’argent à la suite d’une diminution des ventes de ses premiers romans vers la fin des années 1960. Enfin, elle connut un déclin d’intérêt pour son œuvre qui a entraîné l’oubli dans lequel elle est tombée aujourd’hui.

C’est donc avec un regard particulier que l’on peut découvrir le fonds de cette autrice aux AML. Au départ contenu dans deux caisses, ce fonds donne à redécouvrir quelques textes qu’elle publia essentiellement entre les années 1940 et 1960. Il regorge aussi de brouillons inédits de pièces de théâtre, de nouvelles, de romans et de poèmes, notamment Un poète belge, hommage posthume à André Fontainas qui était l’un de ses amis et qui la conseillait en matière d’écriture. Un grand nombre d’articles de presse (belges, français, suisses, tchécoslovaques, américains, etc.) vient apporter des informations supplémentaires à propos de cette autrice méconnue (qui fut tout de même comparée à Dominique Rolin et Graham Greene dès la publication de La Longue Route !), de son œuvre (ses deux premiers romans furent élus « Meilleur Livre du Mois » par le Club du Livre du Mois) et de sa vie (notamment son expérience en tant que danseuse à Londres qui lui inspira La Longue Route), le tout enrichi de plusieurs interviews durant lesquelles les journalistes, comme Marie du Vivier, applaudissent son style et louent sa modestie et son humour. Une correspondance, étalée sur plusieurs décennies, continue d’enrichir les connaissances à propos de Claude Seigne, de ses fréquentations (l’écrivain français Jean-Jacques Gautier, le cinéaste belge Jean Delire, l’académicien et politicien belge Henri Janne, l’acteur belge Marcel Josz, l’éditeur Louis Gérin du Club du Livre du Mois avec lequel elle aurait notamment créé La Nouvelle Revue Belgique, etc.) ou de ses succès (comme en témoigne l’intérêt manifesté par diverses télévisions nationales européennes qui lui écrivirent pour adapter sa pièce de théâtre filmé Belle, d’ailleurs saluée par Henri Janne et Alexis Goldschmidt). Enfin, divers documents permettent d’en apprendre plus sur la personnalité étonnante de cette autrice touche-à-tout et vagabonde, dont la longue route en quête de reconnaissance, régie par des lois obscures, n’est pas encore arrivée à son terme.
Le fonds d’archives Claude Seigne, confié aux AML par Olivier de Mot en novembre 2018, contient à peu près 300 documents et apporte déjà une quantité non négligeable d’informations essentielles à propos de cette autrice pleine de sensibilité, d’humilité et de bienveillance qui, au regard de ce fonds, semble avoir été une artiste polyvalente et prolifique, ne tenant pas en place, obligée d’occuper son temps à voyager, écrire ou danser. À l’instar de son héroïne Jimmy Fane dans La Longue Route, l’autrice a dû parcourir de nombreuses étapes dans le temps et l’espace pour obtenir la reconnaissance de son art, espérons qu’à l’arrivée, une lumière rendra visible cette œuvre originale d’une écrivaine qui ne l’est pas moins. La mise à disposition de ce fonds d’archives en est déjà une étincelle.
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