Les archives générales du Musée de la Vie wallonne
Anne Stiernet, Musée de la Vie wallonne
Les collections du musée de la Vie wallonne, implanté à Liège, comportent plusieurs départements. L’un d’entre eux est celui des archives générales. Riche de plus de 100.000 documents plats sur support papier ou assimilé, ce département, d’une valeur historique considérable, présente une grande variété de types de documents (affiches, cartes postales, chromos, cartes porcelaine, documents publicitaires, carnets de bal, cartes et plans, etc.), de techniques (manuscrits, imprimés, aquarelles, dessins, estampes, etc.) et de formats. Il recouvre en outre des thématiques aussi diverses que l’histoire, la vie culturelle, politique, économique et sociale, les arts, la littérature, les croyances, le folklore ou encore les traditions populaires.
La collection d’archives générales s’est constituée progressivement depuis la création du musée de la Vie wallonne (1913), lorsque les fondateurs de cet établissement muséal imaginent de rassembler les témoignages de la vie quotidienne en Wallonie. Les documents, datant pour la plupart des 19e et 20e siècles, ont intégré la collection à la suite de dons, de legs ou d’achats. Cette politique d’acquisition a évolué au cours du temps : elle repose désormais sur une série de critères particuliers (bon état de conservation, rareté, refus de doublons) et privilégie l’actualisation des thématiques mises en avant par le musée (comme la transition écologique).
Descriptions des fonds
Les archives générales conservent plusieurs fonds très diversifiés. S’il n’est pas possible de tous les décrire dans cet article, il conviendra cependant d’en évoquer quelques-uns parmi les plus spécifiques. Citons ainsi les affiches, les cartes porcelaine, les cartes postales, les archives politiques ou encore les archives relatives aux œuvres caritatives qui ont vu le jour lors de la Première Guerre mondiale. Deux autres fonds méritent également d’être mentionnés : le fonds précieux et le fonds Jamar.
La collection d’affiches a été constituée peu à peu, dès la création du musée. Actuellement, elle comprend près de 5.000 documents. À côté de certains achats réalisés au cours des années, le don constitue le principal mode d’acquisition. Parmi les thématiques particulièrement documentées, on trouve les élections belges des années 1925 à 1936, les grands magasins (et plus particulièrement le Grand Bazar de Liège), les affiches publicitaires pour les firmes de cycles et d’automobiles (Fabrique nationale, Saroléa, Pieper Cycles, etc.), les denrées alimentaires (chocolat, boissons, etc.), les produits d’hygiène et d’entretien, les fêtes et manifestations diverses (carnavals, fêtes folkloriques, expositions internationales et universelles, expositions artistiques, etc.) ou les compétitions sportives. Sans oublier le tourisme, et particulièrement les voyages en train via les chemins de fer belges.
Mentionnons également les affiches réalisées pour les œuvres philanthropiques, notamment celles qui se sont créées au moment de la Première Guerre mondiale afin d’aider les populations éprouvées par ce conflit (œuvre des Prisonniers, œuvre du Secours discret, affiches annonçant des ventes caritatives).
Enfin, la collection d’affiches comprend des documents illustrés par des artistes de renommée internationale (Émile Berchmans, Émile Dupuis, Armand Rassenfosse, Auguste Donnay, Henri Cassiers, Victor Mignot, Georges Gaudy, Auguste Mambour, etc.).
Un autre fonds qui mérite d’être mis en lumière est celui des cartes porcelaine, comportant près de 650 items. C’est dans la 1ère moitié du 19e siècle qu’est apparue la carte porcelaine. L’appellation provient de la technique employée pour leur réalisation. Les sujets, les motifs décoratifs ainsi que les éléments calligraphiés sont d’abord imprimés à partir d’une pierre lithographique sur un carton épais, recouvert ensuite de céruse, ce qui lui confère son aspect blanc, lisse et brillant comme de la porcelaine. Mais en raison de la dangerosité de la céruse pour celui qui la manipule, son usage a finalement été interdit, ce qui explique la disparition de la carte porcelaine au début des années 1870.
La plupart du temps, la carte porcelaine faisait office de carte de visite. Mais cette technique était également utilisée pour des menus, des cartons d’invitation pour des concerts, des bals ou d’autres festivités.
La collection de cartes porcelaine conservées au musée de la Vie wallonne constitue un patrimoine précieux car, outre son aspect esthétique, ce type de document représente une formidable source d’informations pour l’étude d’un pan important de la société du 19e siècle. Chercheurs et étudiants pourront, à n’en pas douter, trouver dans ce fonds, la matière nécessaire pour entreprendre des recherches dans quantité de domaines.
Quant aux cartes postales, le musée de la Vie wallonne en conserve plusieurs milliers, recouvrant des thématiques très diversifiées. À côté des traditionnelles vues de sites naturels, villes, villages, bâtiments ou monuments spécifiques, on trouve également dans les collections des cartes postales illustrant les petits métiers des rues, autrefois très fréquents dans nos villes et campagnes (balayeuses de rues, marchands ambulants, chiffonniers). Parmi ces professions, aujourd’hui pratiquement toutes disparues, mentionnons notamment les « botteresses », ces femmes qui parcouraient jusqu’à 25 kilomètres chaque jour pour livrer diverses marchandises (denrées alimentaires, charbon, bois, etc.) qu’elles transportaient dans leur hotte.
Une autre thématique particulièrement représentée est celle de l’Exposition universelle de Liège de 1905. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de cartes postales montrant les différents pavillons et les principaux bâtiments construits à l’occasion de cet événement, mais également des vues générales des lieux ainsi que les travaux de construction préalables, qui s’offrent aux yeux des chercheurs intéressés par cet événement qui, à l’époque, aurait attiré jusqu’à 7 millions de visiteurs.
Enfin, les collections renferment également une grande quantité de documents édités dans la foulée de la Première Guerre mondiale, certains illustrant plus particulièrement, et avec humour, la résistance des forts liégeois.
Comme cela a déjà été souligné plus haut, la Première Guerre mondiale a touché de plein fouet la Belgique. Afin de soulager la population belge, durement frappée par l’invasion du territoire, les destructions, les massacres ainsi que les difficultés engendrées par les pénuries, de nombreuses œuvres de bienfaisance, publiques ou privées, sont fondées, tant au niveau national que régional. Rien qu’à Liège, on en dénombre plus de 80 ! Ces associations philanthropiques s’occupent d’aider aussi bien les soldats au front, que leurs familles ou les personnes en difficulté (comme les chômeurs). Tous les moyens sont mis en œuvre pour obtenir des dons, en argent ou en nature : ventes de charité, collectes, activités artistiques, expositions, etc.
Tracts, affiches, circulaires ou lettres personnalisées, invitations aux manifestations ou aux assemblées générales témoignent de ce vif élan de générosité qui a permis de soutenir et de soulager nombre de nos compatriotes lors de ce conflit.
Archives politiques
L’entre-deux-guerres, marquée par la montée des partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite, de nombreux conflits sociaux, la crise économique de 1929, l’instabilité politique ou la menace d’un nouveau conflit mondial, est une période bien documentée au sein des archives générales.
Outre des affiches de grands formats et des affichettes, ce fonds comprend également des tracts électoraux, des programmes de partis, des documents de propagande, des brochures ou des invitations à des meetings, des conférences et des manifestations. Plusieurs de ces archives ont été numérisées et sont consultables à partir du catalogue en ligne du musée. Mais il reste toutefois un important travail d’inventaire à réaliser pour que ce fonds puisse être mis en valeur de manière optimale.
Depuis plusieurs années, la constitution d’un « fonds précieux » a permis de rassembler en un même lieu les documents les plus fragiles ou ceux de grande valeur d’un point de vue artistique ou historique. Ces archives précieuses sont constituées de dessins, de croquis, d’estampes, de gravures, de lithographies originales d’artistes tels qu’Armand Rassenfosse, Auguste Donnay, Paul Daxhelet, Pauline Jamar, Jean Müller ou des membres de la famille van Marcke. On y recense également des projets d’affiches, de programmes et de menus élaborés pour des manifestations particulières, des manuscrits ou tout document rare nécessitant une conservation particulière.
Il y a quelques années, à l’occasion des commémorations organisées pour le centenaire du début de la Première Guerre mondiale, la Province de Liège a acquis un important lot de caricatures en couleurs réalisées par Albert Tahon. Cet avocat liégeois a, au travers de ses dessins, voulu rendre compte des événements tragiques liés à l’invasion du territoire ainsi que des difficultés rencontrées par les Liégeois dans leur vie quotidienne. Ces œuvres, par leur réalisme, leurs qualités esthétiques et les thématiques qu’elles abordent, présentent un intérêt certain pour qui s’intéresse à l’impact de ces événements sur les populations.
Enfin, il convient d’évoquer la collection de plans de l’architecte Edmond Jamar (1853-1929). Regroupé dans plusieurs dizaines de fardes, chacune contenant de nombreux documents, cet ensemble a été cédé au musée de la Vie wallonne par Léonie Jamar en 1940. Il regroupe les plans des édifices construits ou rénovés par Edmond Jamar. C’est à lui que l’on doit la réalisation, la transformation ou la rénovation de nombreux bâtiments civils (hôtels des postes de Liège ou de Dinant, gare du Palais de Liège, etc.), mais également de demeures privées (châteaux de Kinkempois ou de Fumal, maisons à Liège, Spa, etc.), d’églises (Sainte-Véronique ou Saint-Pholien à Liège, églises de Liers et de Wéris, basilique de Chèvremont, etc.), d’établissements scolaires (école communale de Florzé, collège Saint-Servais de Liège, etc.) ou de monuments funéraires (chapelle funéraire au cimetière de Bonneville, sépulture à Juslenville).
Très partiellement dépouillé, ce fonds mériterait sans nul doute de faire l’objet d’une étude en profondeur, étant donné sa richesse, son importance et sa diversité. Depuis quelques mois, deux attachées du musée ont entrepris l’inventaire systématique des plans relatifs à l’hôtel des postes de Liège. Cet ensemble, qui comprend près de 500 documents (plans, dessins aquarellés, croquis, etc.), est en passe d’être achevé. Une fois qu’elles auront été numérisées, ces archives seront ensuite consultables par le public à partir du catalogue en ligne. Mais un important travail de mise en valeur de l’ensemble du fonds Jamar devra être entrepris. Avis donc aux chercheurs intéressés par cette thématique…
Mise en valeur des collections et collectes actuelles
Depuis 2014, le musée de la Vie wallonne dispose d’un outil numérique permettant d’inventorier ses collections et de les rendre publiques via un catalogue en ligne.
Mais une grande partie du fonds d’archives générales n’ayant pas encore été inventoriée et numérisée, les documents sont consultables au centre de documentation du musée de la Vie wallonne. Les demandes de recherche doivent être adressées via le formulaire en ligne, par mail à l’adresse documentation@viewallonne.be ou par contact téléphonique au 04/279 20 57 ou au 04/279 20 59.
Afin de poursuivre la mission de sauvegarde des témoignages du passé et du présent qui est la sienne, le musée de la Vie wallonne entreprend régulièrement de nouvelles collectes liés à l’actualité ou aux questionnements de la société actuelle. C’est ainsi que des appels ont été lancés pour collecter des items en lien avec la crise sanitaire du Covid-19 ou les inondations qui ont frappé la région liégeoise en juillet 2021.
Une autre collecte, en lien avec la transition écologique, la gestion des déchets, le développement durable ou le développement des énergies renouvelables a également été initiée, dans la foulée de l’exposition Ordures, l’expo qui fait le tri, présentée au musée de la Vie wallonne jusqu’au 31 décembre 2023.
Et en guise de conclusion, nous reprendrons la déclaration de Joseph-Maurice Remouchamps, l’un des fondateurs du musée, « Un musée de la vie populaire doit s’enrichir tous les jours et ne jamais être considéré comme une chose terminée. Tous les jours nous fabriquons du passé pour demain. […] La chose insignifiante d’aujourd’hui aura un jour valeur de relique ».1
Webreferenties
- catalogue en ligne du musée: http://collections.viewallonne.be?queryid=57f380b7-20f6-4565-85af-9e68b852c83d
- catalogue en ligne: http://collections.viewallonne.be/#/query/d55bb4b7-dbd2-4245-a333-292ccf4bd434
- formulaire en ligne: https://www.provincedeliege.be/sites/default/files/media/94/Formulaire%20de%20recherche%202022.pdf