Le fonds d’archives Armand Permantier, surréaliste méconnu

Denis Lepinois, Archives & Musée de la Littérature (AML)

En juin 2021, Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie de Charleroi, lègue aux AML les archives d’Armand Permantier composées de manuscrits, de correspondance, de documents privés, ainsi que quelques croquis de ce poète et peintre, né à Saint-Gilles en 1895 et décédé en 1960.

Armand Permantier, Autoportrait, s. d. (reproduit dans Le Chant du barbaresque)

Si son œuvre passa plutôt inaperçue auprès du public de l’époque, Permantier n’en est pas moins un personnage proche des milieux artistiques bruxellois. Ses correspondants les plus assidus sont les écrivains Paul Colinet, Marcel Piqueray et Edmond Kinds, les peintres Willem De Pauw et Aubin Pasque, ou encore le musicien Edgar Willems. L’artiste reçoit d’ailleurs les éloges de René Magritte, qui considère que « sa vie exemplaire lui fait mériter au moins une très respectueuse et très véritable considération » (Un grand peintre inconnu : Armand Permantier, 1952). Parmi les personnalités qui appréciaient son talent figure aussi la Reine Élisabeth, qui acquit deux de ses toiles.
Le tempérament solitaire et introspectif d’Armand Permantier le confina tôt dans la marginalité. Passionné, il mena une vie entièrement dévouée à son art, au détriment de son confort matériel. Ses documents administratifs et sa correspondance témoignent des difficultés financières qu’il a rencontrées : durant sa vie, l’artiste déménage une quinzaine de fois et son ami le plus fidèle, Paul Colinet, lui vient souvent en aide en lui prêtant de l’argent. Ce dernier va d’ailleurs permettre à Permantier d’entrer en contact avec André Breton, Christian Dotremont ou Irène Hamoir. C’est aussi lui qui publiera deux de ses poèmes dans le n°6 de la revue Le Ciel Bleu, tandis que Marcel Piqueray le publiera dans Phantomas.
Les manuscrits de Permantier permettent de côtoyer intimement l’univers poétique et métaphysique dans lequel cet artiste s’immerge constamment. On y retrouve trois versions de son recueil Le Chant du Barbaresque (1949), ainsi que des poèmes publiés à titre posthume dans Œuvres (1982).

Armand Permantier, Le Chant du barbaresque, Éditions du Lapsus de Cornouailles, s.d. [vers 1938].

Ses nombreux cahiers contiennent aussi des proses inédites qui témoignent d’une langue poétique élaborée : celle-ci naît de la sensation et puise son inspiration dans ce qu’il y a de plus naturel et instinctif chez l’humain, par opposition à la culture régie par les normes. Ce parti pris se distingue aussi nettement dans son œuvre picturale qui préfère toujours l’impression au réalisme mimétique. Celle-ci se compose principalement de paysages – du Sud de la France, où il part souvent trouver l’inspiration –, de portraits – notamment ceux d’Irène Hamoir, de Paul Colinet, de Marcel Piqueray ou de Marcel Broodthaers – et de nombreux autoportraits.

Armand Permantier, Croquis de paysage, s.d. (AML, ML 13525/1/1).

Ce fonds d’archives n’attend que d’être consulté (voire étudié) par toute personne désireuse de découvrir ce personnage atypique et passionné, qui s’est sustenté d’art pour subsister, et dont l’œuvre mérite, sans aucun doute, d’être appréciée enfin à sa juste valeur.