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Bruno Cheyns, Léon Degrelle. De Führer uit Bouillon-Biographie. Antwerpen: Uitgeverij Vrijdag, 2017.

Alain Colignon, CEGESOMA

Quoi qu’on en ait dit ici et là, mais surtout au nord du pays, le personnage de Léon Degrelle aura fait couler bien de l’encre, et ce dès ses premiers pas en politique, à l’approche de l’hiver 1935-1936.Sur le mode polémique chez ses (nombreux) adversaires ou sur un ton mi-figue mi-raisin chez ses anciens admirateurs, généralement bien revenus de leurs illusions. Puis après les témoins plus ou moins partiaux, plus ou moins sereins, de Du Bois de Vroylande (Quand Rex était petit-1936) à Charles d’Ydewalle (Degrelle ou la triple imposture-1968) vint, avec la fuite des ans, le temps des historiens et de la sérénité (du moins, on l’espère), inauguré par le travail fondateur du Français Jean-Michel Etienne (Le Mouvement rexiste avant 1940-1968) : se succédèrent alors, à intervalles espacés, les travaux et les essais de Jean-Marie Frérotte (Léon Degrelle, le dernier fasciste-1987), Marc Magain (Léon Degrelle, un tigre de papier-1988), du Britannique Martin Conway (Degrelle. Les années de collaboration-2005), d’Eddy Debruyne (Les Wallons meurent à l’est. La Légion Wallonie et Léon Degrelle sur le front russe 1941-1945-1991 et, du même, Moi, Führer des Wallons : Léon Degrelle et la collaboration outre-Rhin septembre 1944-mai 1945-2012), pour ne rien dire des œuvres d’un Giovanni Di Muro (Léon Degrelle et l’aventure rexiste-2005) ou d’un Arnaud de la Croix (Degrelle 1906-1994), plus légères mais pas toujours inintéressantes. Et nous n’évoquons même pas ici, dans cette liste non exhaustive, les multiples articles ayant trait au rexisme, à ses pompes, à ses œuvres et à ses crimes figurant dans les revues des cercles archéo-historiques régionaux ou locaux, pour ne rien dire des mémoires de licence concoctés à l’ombre des universités de Liège, de Louvain-la-Neuve ou de Bruxelles…

Mais soyons lucides : toutes ces productions se voulant écriture d’histoire et destinées au « grand public cultivé » présentent un trait commun. Outre le fait qu’elles subissent peu ou prou une certaine fascination pour la personnalité de l’homme Degrelle, elles apparaissent tardivement (rien de bien sérieux avant la seconde moitié des années soixante du siècle dernier) et leur volume historiographie se révèle bien inférieur à celui qui a été consacré à la Collaboration en terre flamande comme si ici, en Wallonie/Belgique francophone, on s’appliquait à conserver la poussière sous les tapis. Ou les cadavres dans le placard.

A moins – évidemment – que l’opinion francophone estime que la page est tournée depuis longtemps, d’autant plus qu’elle n’a jamais concerné qu’une infime minorité d’ « enfants perdus » de sa Communauté, nationalistes renégats par fidélité mal placée envers un leader immature et mégalomane ou par opportunisme myope-quand ce n’était pas par désir de revanche sociale. Rien de bien glorieux, qu’il convenait d’oublier le plus vite possible.

De toute façon, avec sa nature particulière et les relais dont il a disposé un temps, Léon Degrelle a bel et bien pris figure DU chef « collabo » tant en Flandre qu’en Wallonie. Mais si on le connaissait dans le plat-pays parfois bien mieux que l’une ou l’autre personnalité éminente du nationalisme-flamand fourvoyé dans la collaboration, c’était surtout par la grâce du bouche à oreille ou d’articles de presse plus ou moins bien inspirés : il n’existait paradoxalement jusqu’en 2017 aucun ouvrage un tant soit peu sérieux consacré au plus illustre des Bouillonnais et rédigé dans la langue de Vondel. Cette carence est aujourd’hui réparée grâce à la contribution de Bruno Cheyns. Disons-le d’emblée : quoique l’auteur ne soit pas historien de métier (il est employé dans le secteur des assurances), son livre est de bonne qualité et mériterait sans nul doute d’être traduit et diffusé dans l’espace francophone dans la mesure où il se révèle novateur dans certains domaines mal connus car jusqu’ici peu investigués.

Structuré de manière classique selon la trame chronologique, Cheyns aborde en effet de manière fine et originale les contacts longtemps conservés par Degrelle au sein de la famille chrétienne, même bien après sa rupture fracassante, en novembre 1935, avec la vieille Fédération des Associations et des Cercles catholiques. On apprend ainsi qu’outre des tentatives de rentrée au bercail dans l’été 1937, APRES son fameux duel avec le Premier ministre Van Zeeland lors du 2 avril de cette année, Degrelle esquissa encore un rapprochement avec ma maison-mère au cours des premiers mois de 1940, alors qu’apparemment, au sus de tous, de par son positionnement ultra-neutraliste, il était devenu sinon du traître au regard du Droit, du moins un agent d’influence de l’Allemagne nazie. En outre, second trait original au regard du lecteur francophone lambda (mais l’écrit est évidemment destiné à un public flamand), Bruno Cheyns met en évidence les contacts noués au nord du pays par le « deuxième rexisme », du rexisme ayant rompu les amarres avec son milieu catholique originel pour s’orienter vers l’action politique. Et ces contacts étaient comme par hasard dirigés vers des associations de classes moyennes déjà bien marquées à droite, traumatisées par la dévaluation, écoeurées par les scandales politico-financiers du temps…et aujourd’hui bien oubliées. Il s’agissait du « Burgerstrijd/Action civique » de Robert Gits et Réginald Graulich, relativement bien implanté dans le Courtraisis, à proximité de la frontière linguistique, et du Front Unique du Commerce, de l’Artisanat et de la Petite Industrie de Marcel Derudder, qui avait acquis d’assez fortes positions dans la région bruxelloise ainsi qu’à Gand. Ce sont ces groupes de boutiquiers et d’artisans inquiets, renforcés par un certain nombre d’éléments de la noblesse (francophone) de Flandre se sentant en perte de vitesse qui constituèrent l’épine dorsale du rexisme dans les provinces septentrionales du Royaume. Est-il besoin de préciser qu’à l’horloge de 1935-1936, tous ces gens, qu’ils aient été peu ou prou bilingues ou non, tenaient beaucoup plus d’un belgicisme de bon aloi que du flamingantisme pointu. L’écrivain Paul De Mont, qui devint –un temps- le responsable de Rex-Vlaanderen et qui passait pour très « vlaamschvoelend » devait se sentir un peu isolé dans cet ensemble… Et pourtant, nonobstant cette base de recrutement pour le moins délimitée et contrebattue par le puissant parti catholique et par un Vlaamsch Nationaal Verbond qui chassait sur les mêmes terres, Rex-Vlaanderen parvint à conquérir au soir des législatives de 1936 pas moins de 6 sièges en terre flamande…étant entendu qu’il était globalement bien mieux implanté en Wallonie ainsi qu’à Bruxelles. On connaît la suite de l’histoire. Plutôt que d’étayer sagement son succès, Degrelle, trop pressé et trop gourmand, se lança dans une agitation tous azimuts, ce qui l’amena à multiplier les fers au feu-y compris dans des endroits totalement improductifs. Ainsi, tandis qu’il prenait langue à l’automne 1936 avec des associations d’anciens combattants ultra-belgicistes pour tenter un « coup » sur Bruxelles, il ne trouva rien de mieux que de conclure un accord avec les nationalistes-flamands du VNV. Ces derniers partageaient son « habitus » autoritaire, il est vrai, mais ils étaient viscéralement anti-Belges alors que l’électorat rexiste se composait nettement de « belgicains » pur jus, qui ne pouvaient que prendre mal cette initiative. Il en alla de même parmi ses partenaires des associations patriotiques (Croix-de-Feu, U.F.A.C.…) qui rompirent alors les ponts et se retirèrent sous la tente. La malaventure rexiste poursuivit son chemin, de coups d’esbroufe en coups d’épée dans l’eau, de reniements en course aux extrêmes, jusqu’à la chute finale de 1944-1945. Mais toujours, même à ce moment, on trouvait dans l’entourage de Degrelle un quarteron de Flamands francisés et de francophones de Flandre repliés sur des structures rexistes totalement nazifiées mais qu’ils persistaient à confondre avec le seul instrument de salut d’une Belgique aussi mythifiée que de plus en plus irréelle.

Et c’est cette histoire-en quelque sorte le « pan flamand » du rexisme- que narre avec talent et sens des nuances Bruno Cheyns. Son coup d’essai, se révèle, après lecture attentive, un coup de maître.

Il faut espérer qu’il trouvera un éditeur au sud de la frontière linguistique pour ce Degrelle si flamand, ce qui n’est pas joué !

- Alain Colignon