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Gita Deneckere, Uit de ivoren toren. 200 jaar Universiteit Gent. Gent: Tijdsbeeld, 2017.

Vincent Genin, Université de Liège

C’est par le biais d’une métonymie – Uit de ivoren toren – que Gita Deneckere, professeur d’histoire de Belgique à l’Université de Gand, propose la première entrée à ce que l’on pourrait qualifier d’histoire générale de son alma mater. La première de couverture ne dément pas ce constat, en arborant le symbole architectural « moderne » de l’institution, à savoir la fameuse tour conçue par Henry Van de Velde. En ce bicentenaire des universités (anciennement d’État) de Liège et de Gand, l’opportunité a été dégagée de part et d’autre de consacrer un bel et fort ouvrage à un retour en arrière, remontant comme il se doit à 1817 (pour Liège : Philippe Raxhon, en coll. avec Veronica Granata, Mémoire et prospective. Université de Liège (1817-2017), Liège, PULg, 2017). L’histoire des universités nourrit d’ailleurs, surtout au Nord du Pays, une veine historiographique en constant accroissement depuis quelques années ; la thèse publiée de Pieter Dhondt en témoigne tandis que plusieurs travaux d’Els Witte reviennent plus précisément sur le rôle public joué par les historiens dans le contexte de la Guerre Froide. Gand fut elle-même un moteur particulièrement actif entre 1955 et 1970 dans le processus d’institutionnalisation et de légitimation de l’histoire contemporaine, sous l’égide énergique de Jan Dhondt, aux côtés de son collègue et ami Robert Demoulin, de Guillaume Jacquemyns et d’Henri Haag.

Gita Deneckere a commencé sa carrière d’historienne il y a plus de vingt-cinq ans. Après avoir consacré ses premiers travaux à l’histoire sociale, aux grèves de 1886 et de 1913, l’auteur s’est livrée à des études tournant autour des notions de nation et de démocratie ; elle est surtout connue pour son Leopold I : de eerste koning van Europa 1790-1865, publié en 2011. Le travail de Gita Deneckere est précieux, très bien documenté, richement illustré et représentera désormais le premier réflexe du chercheur lorsqu’il souhaitera en savoir plus sur l’histoire de l’Université de Gand. C’est indubitable. Il s’inscrit aussi dans le contexte favorable d’une célébration soutenue comme il se doit, à la suite de plusieurs années de préparation, par l’institution elle-même. Celle-ci a en effet mis les moyens : de 2012 à 2017 a pu se développer le projet Durf her-denken. UGent Memorie, bouwen aan het geheugen van UGent (1817-2017), porté par une équipe (Christophe Verbruggen, Fien Danniau, Davy Verbeke, Hendrik Defoort) emmenée par Gita Deneckere.

Á Gand comme à Liège, le temps des Libri memoriales est révolu. Autre temps et, peut-être, autres moyens financiers ou, du moins, évolution en matière d’affectation de budget par l’Institution. Le lecteur pourrait nous reprocher le caractère suranné de ce petit regret. Il aurait sans doute raison. Les Libri n’étaient d’ailleurs pas des travaux scientifiques mais bien des états des lieux (ressources humaines, économiques, monumentales et intellectuelles de l’Université) suivis de longues listes nécrologiques, un véritable appel aux morts historiographique recensant l’ensemble des professeurs décédés avant la publication du livre commémoratif. Certes, il s’agissait d’un grand moment d’autosatisfaction académique et même d’identité universitaire. Nous ne pensons toutefois pas que ces moments ont aujourd’hui disparu ; cette subjectivité revendicatrice adopte simplement d’autres formes. Mais ces recueils étaient particulièrement précieux et je ne connais pas un historien de mon Université qui n’ait pas retrouvé un jour l’information qu’il ne trouvait nulle part ailleurs. Une autre raison de la désaffection des Libri ? Peut-être l’évolution du rapport de nombreuses facultés à leur histoire. Là où – je ne prends que des cas liégeois que je connais bien – un économiste comme Laurent Dechesne, un philologue comme Maurice Delbouille, un juriste comme Fernand Dehousse, un médecin comme Marcel Florkin, un géologue comme Paul Fourmarier ou un biologiste comme Désiré Damas avaient une connaissance aigüe des généalogies intellectuelles de leur discipline en leur injectant une dimension d’historicité, il est permis de se demander si, après cinquante année d’un cloisonnement facultaire croissant et une hyperspécialisation galopante, une telle ouverture sur les Humanités serait aujourd’hui possible…

Dans un contexte où il est demandé à l’universitaire de se plier aux évaluations en tous genres – le grand professeur de Romanes de l’Université de Liège Jacques Dubois rappelait récemment à quel point ce critère est initialement conçu pour une réalité américaine – et où tout projet de recherche doit présenter un « impact sociétal », Gita Deneckere a souhaité démontrer le caractère « publique » de l’UGent depuis deux siècles dans cette « ode aan mijn alma mater ». L’ouvrage, décliné en onze chapitres, respecte un ordre de classement thématique – et non chronologique – bien balancé. Le premier, afin de donner le ton, s’intitule Tussen wetenschap en maatschappij et revient sur les premiers temps, ceux de la volonté émise par Guillaume Ier de développer les capacités intellectuelles du Sud, non sans revenir sur certaines figures marquantes de professeurs (Joseph Guislain, Joseph Plateau ou August Kekulé). La deuxième partie se penche sur les questions confessionnelles, en rappelant des épisodes bien connus (les affaires Laurent-Brasseur ou Franz Cumont). D’autres chapitres suivent, dont certains méritent une mention plus particulière tels que « De maatschappij als laboratorium », « Oorlog en vrede » ou « Gender en seksualiteit ». Les lignes que l’auteur consacre (p. 154 par exemple) à la contribution d’académiques de l’Université de Gand au développement des sciences sociales au milieu du XIXe siècle sont d’un grand intérêt. L’expertise ancienne de Gita Deneckere en ces matières s’y ressent. Gand présente à ce titre – Guy Vanthemsche l’a aussi étudié – le profil d’un véritable laboratoire. Les pages portant sur la « méthode antisceptique » de Gustave Bodaert ou sur les travaux médicaux de Fritz de Beule sont d’une grande richesse (p. 127-130). Quant au chapitre 6, consacré à la question linguistique, il est d’un intérêt indéniable. La lumière jetée par l’auteur sur le rôle joué par Julius MacLeod à partir de 1888 afin de flamandiser l’Université mérite la mention (p. 173).
Nous n’avons pas de critique fondamentale à émettre à l’égard de cet excellent travail. Peut-être l’une ou l’autre remarque.

  1. La plume est parfois « ganto-centrée ». Prenons un exemple. Certes, l’Institut de Droit International s’est réuni pour la première fois en septembre 1873 dans la Salle de l’Arsenal à Gand et un de ses promoteurs était le juriste gantois Gustave Rolin-Jaequemyns. Cela étant, le siège de l’IDI était officiellement itinérant tandis que John Westlake, James Lorimer, Johann C. Bluntschli, Tobias Asser ou Pasquale Mancini ont une part tout aussi importante que le juriste belge dans cette entreprise. Quant au fait que l’IDI aurait œuvré in de schaduw des Conférences de la Paix de 1899 et 1907 (p. 191), nous en doutons, au regard du peu d’état que ces réunions ont justement fait des travaux de l’Institut. Certes, l’ouvrage parle bel et bien de Gand, mais reculer la focale eut été parfois utile. Aussi, bien que l’auteur retrace avec justesse le réseau familial, académique et gantois de Gustave Rolin-Jaequemyns (son frère Albéric, sa belle-famille), il est bon de souligner qu’il n’était pas lui-même professeur. Et, lorsque l’auteur nous rappelle opportunément (p. 265) qu’il part en 1892 au Siam afin de restructurer l’armature juridique de ce pays en proie aux impérialismes coloniaux français et anglais, ce n’est pas en tant que professeur de Gand, sur instruction de Léopold II (mais bien sur proposition du Khédive d’Egypte), ni dans un élan émancipateur d’un peuple lointain. Il quittait surtout la Belgique pour deux raisons : 1) après la défaite libérale de 1886 à Gand, son avenir politique semblait plus que compromis en Belgique 2) Le monticule de dettes engrangé par ses frères l’a poussé à redorer l’honneur de la famille, mais aussi ses finances, en tentant une aventure orientale qui, il faut le dire, fut une réussite.

  2. Aussi, bien que l’auteur consacre une partie importante et de grande qualité du travail aux questions linguistiques (partie 6 : Taal), le lecteur reste parfois sur sa faim lorsqu’il est question de la flamandisation de l’Université de Gand et de ses répercussions dans les autres universités belges et même à l’étranger. C’eut été là un bel objet d’histoire à globaliser. Quid des départs en chaîne en 1930 d’Henri Pirenne (formé à Liège, enseignant à Gand et terminant sa carrière à Bruxelles) ou de Charles de Visscher, par exemple ? Nous savons aussi qu’une étude à ses limites et ne peut tout aborder.

  3. Le travail heuristique est remarquable, mais aurait sans doute gagné à aborder des travaux rédigés en allemand, en italien ou en français. Nous pensons aux nombreuses études et éditions de sources relatifs à Émile de Laveleye, qui fit ses études à Gand et espéra longtemps y être nommé, à Franz Cumont ou à Henri Pirenne (travaux nombreux de B. Lyon, de P. Rion, G. Warland, W. Prevenier, M. Boone, R. Demoulin etc.). Pirenne est lui-même un objet historiographique passionnant mais aussi objet de convoitise académique en matière de mémoire intellectuelle depuis plusieurs décennies.

En somme, il serait superflu de prétendre mettre ici en exergue toutes les qualités de ce livre riche, à la manipulation facile et agréable, qui ne tombe ni dans les travers de l’ « ouvrage de prestige » élaboré à grand renfort de subsides, très souvent décevant sur le fond, ou dans ceux de la monographie rigoureuse mais parfois sèche. Non, le travail de Gita Deneckere évite ces écueils et propose, tant au chercheur qu’à l’amateur éclairé, une solide synthèse thématisée et de haute tenue sur le rôle joué par l’Université de Gand et ses chercheurs depuis 1817 dans le cadre local, la société belge ou sur la scène internationale.

- Vincent Genin