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Pérenniser l’éphémère: oui mais comment ?

Lisa Lacroix et Lucie Castaigne

Pour prolonger la discussion entamée par Julien Dohet et Tom Cobbaert dans le précédent numéro de Contemporanea, nous nous proposons, dans ce nouveau numéro, de faire le compte-rendu des 16èmes Journées des archives de l’UCL qui avaient pour titre « Pérenniser l’éphémère. Archivage et média sociaux. »

Les lundi 9 et mardi 10 mai 2016, se tenaient à Louvain-la-Neuve les 16èmes Journées des archives, organisées par Caroline Derauw, Véronique Fillieux, Aurore François (Université Catholique de Louvain), et Anne Roekens (Université de Namur - HiSI) avec l’appui des Archives de l’UCL. Ce colloque rassemblant des archivistes mais également des historiens était consacré cette année à l’archivage des médias sociaux avec en toile de fond la question de la « pérennisation de l’éphémère », thématique pertinemment ancrée dans l’actualité. Difficile en effet de nier l’importance de la place occupée par les médias sociaux dans la société actuelle : en première ligne lors des révolutions arabes, plus qu’utilisés par les partis politiques et parfois véritable journal intime du quidam, même la RTBF considère aujourd’hui les médias sociaux comme sa quatrième antenne (intervention de Florian Delabie, Secteur Gestion de l’Information et Archives de la RTBF). Ces sources sont naturellement attirantes car elles se posent en alternative au savoir officiel et elles se constituent comme essentielles dans la naissance des mouvements sociaux. Elles demeurent cependant aussi un défi pour les archivistes en brouillant notamment la notion de producteur.

Plusieurs questions ont traversé en filigrane la première journée du colloque introduite par Aurore François et Anne Roekens et dont le difficile exercice de conclusion a été confié à Sébastien Soyez (Service Préservation & Accès numérique, Archives de l’État en Belgique). Tout d’abord, ce sont les contours juridiques de l’archivage et de l’exploitation des médias sociaux qui ont été tracés. Entre respect de la vie privée, droit à l’oubli et droit à l’information, le point a été fait sur la législation en la matière. Ensuite, plusieurs communications ont mis en valeur les potentialités de telles archives et exposé de premiers retours sur des expériences de collecte et d’exploitation de matériaux issus des médias sociaux. Enfin, les dernières communications ont abordé concrètement le processus de collecte de ces archives (automatisation, recours au participatif) et leurs potentialités.

La journée du 10 mai était, quant à elle, consacrée à des ateliers formatifs. Ivan Pacheka (Wikipadecalais) et Sophie Léger (Comité d’Histoire du Haut-Pays) (Archives participatives, quelles stratégies ? L’expérience du portail Wikipasdecalais) ont dévoilé les défis et l’intérêt du wiki dans le cadre de projets participatifs de collecte et de valorisation des archives. Hubert Naets (CENTAL, UCL) (Techniques de collecte et d’archivage des tweets : Partage de pratiques et d’outils) a emmené les participants au cœur du fonctionnement de Twitter et présenté les différentes API (Application programming interface) qui permettent de collecter les tweets, de même que les outils développés par le CENTAL pour faciliter cette collecte, notamment chez un public non technicien.

L’étape préliminaire indispensable à toute incursion plus poussée au cœur de la question de l’archivage des médias sociaux fut de délimiter le périmètre juridique légal de la conservation et de l’exploitation de ces archives. Cécile de Terwangne (UNamur, CRIDS) et Séverine Dusollier (UNamur, Sciences Po, Paris) ont posé le cadre légal de cette thématique en tout début de journée.

Dans le cas de la Belgique, il n’existe aucune obligation de dépôt légal pour les archives numériques. Bien que la loi sur les droits d’auteur dans le droit européen soit en cours de révision, à l’heure actuelle la législation demeure assez nébuleuse. Dans une société démocratique la difficulté en la matière est de trouver un équilibre entre les intérêts concurrents du droit à la vie privée et du droit du public à l’information.

En principe, ce qui est soumis au droit d’auteur ne peut être archivé. Une exception est cependant posée dans le code de droit économique au profit des institutions publiques d’archivage (et non des chercheurs) dans un but de préservation du patrimoine culturel et scientifique. Une deuxième exception entre en vigueur lorsque l’archivage est réalisé à des fins de recherche. Cependant les termes de cette exception demeurent suffisamment flous pour que les chercheurs ne puissent savoir exactement à quoi s’en tenir. Cette incertitude s’étend également à la question de l’analyse des données.

En matière de consultation des archives et de leur mise à disposition du public, c’est plus délicat. A priori, l’autorisation de l’auteur d’un document est requise pour pouvoir le rendre accessible. Deux exceptions existent cependant : une première pour les archives consultées dans les locaux d’une bibliothèque ou d’un centre d’archive ; la seconde pour les œuvres dites « orphelines », c’est-à-dire dont les ayant droits ne peuvent être identifiés ou localisés.

En ce qui concerne l’exploitation des données à caractère personnel, le principe de finalité autorise, selon certaines garanties, le chercheur à traiter ces informations dans un but historique, statistique ou scientifique. Le chercheur se doit d’anonymiser les données, de les coder ou de donner des garanties particulières aux personnes concernées (informer et obtenir le consentement de ces personnes). S’il ne peut apporter ces garanties, ou si les données à caractère personnel sont rendues manifestement publiques par la personne concernée, le chercheur est exempté de fournir les garanties requises mais doit néanmoins informer et obtenir l’autorisation de la Commission de la Protection de la vie privée.

Le cadre juridique ainsi planté, plusieurs intervenants ont exposé leurs recherches. Chacun, à sa manière, a collecté et exploité ces archives particulières que sont les médias sociaux. Frédéric Clavert (Université de Lausanne), par exemple, nous a présenté sa recherche portant sur les tweets concernant la Première Guerre mondiale. Alexandre Turgeon (Université d’Ottawa), a également utilisé Twitter pour étudier la mémoire de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille au Québec. Ces deux interventions, bien que traitant de thématiques totalement différentes, ont permis de mettre en exergue les écueils communs auxquels sont confrontés les chercheurs souhaitant exploiter ce matériel innovant. En effet, la recherche sur ces médias sociaux en est encore à ses balbutiements. Faute de méthode institutionnalisée, les initiatives d’exploitation de ces médias sociaux se font au cas par cas ; l’heure est toujours à l’expérimentation et au « bricolage ».

Pour les historiens, la première difficulté face à ce nouveau type de sources réside dans la complexité du choix du corpus. En effet, des sources hétérogènes comme celles issues de médias sociaux, à la fois nouvelles et innombrables, impliquent largement et bien davantage l’historien dans la constitution du corpus. Ceci a été très bien démontré dans la communication d’Odile Gaultier-Voituriez (Centre de recherches politiques de Sciences-Po, paris) et Thierry Vedel (CNRS) qui se sont intéressés à « la collecte, la conservation et l’analyse du matériel électoral » et se sont retrouvés confrontés à des supports multiples, à cheval entre le papier et le numérique. L’archivage de ces nouveaux matériaux nécessite donc un renouvellement de la collaboration entre le chercheur et l’archiviste.

L’intérêt d’une telle journée se situe naturellement dans les échanges et retours d’expériences qu’elle suscite. Elle permet également de faire avancer la réflexion sur la thématique abordée et d’avancer de nouvelles pistes à explorer. Ainsi, la nécessité de collaborer est un impératif qui a régulièrement conclu les interventions de la journée. Différents intervenants ont en effet recommandé la mise en place d’une politique institutionnelle et collaborative qui permette de passer d’un « archivage-bricolage » à un archivage plus professionnalisé.

Cette question de la collaboration est un thème qui a été particulièrement mis en évidence dans la communication d’Alexandre Garcia (Division des archives et de la gestion de l’information du Comité international de la Croix-Rouge) consacrée au travail des « Archiveilleurs ». Cette veille participative sur le net a permis à la communauté archivistique de développer une base de données en ligne au service de tous les archivistes du réseau francophone. Ce service est cependant bien fragile car il dépend de la « veille » bénévole d’un petit nombre d’archivistes mais également d’outils informatiques dont la durée de vie demeure largement incertaine. Un autre exemple d’initiative basée sur un principe collaboratif est celui du projet PhotosNormandie qui consiste à améliorer les légendes d’un fonds de photos historiques en se servant des métadonnées internes des images. Cet exemple a été donné par Patrick Pecatte (Laboratoire d’Histoire visuelle contemporaine, EHESS) qui a fait le point sur les différents standards de métadonnées embarquées dans les images fixes avant de démontrer que la majorité des médias sociaux ne s’embarrassent pas de ces métadonnées, ce qui pose problème du point de vue juridique du droit d’auteur mais également du point de vue documentaire.

L’aspect problématique de l’évolution et de la rapide obsolescence des outils informatiques nous amène à nous interroger sur la nécessité pour les archivistes et les historiens de maitriser des outils techniques auxquels ils ne sont pas formés. Cette problématique est elle aussi revenue régulièrement au travers des différentes communications comme un appel à la formation ou à la collaboration avec des informaticiens afin de développer des outils aptes à suivre l’évolution de la demande de l’archivistique récente.

Les communications de la journée se sont également penchées sur des questions de méthodologie. De nombreux intervenants ont exposé leurs difficultés à développer une méthode d’archivage. Toujours à ses débuts, celle-ci gagnerait à être systématisée et institutionnalisée. Jean-Daniel Zeller (consultant en archivage et gestion des documents d’activités) invite à ce propos au développement d’une « algorithmique archivistique ».

En ce qui concerne la collecte à proprement parler de ces archives, deux tendances ont émergé. D’une part, certains centres d’archives comme la Bibliothèque nationale de France se sont lancés dans une collecte automatisée et institutionnalisée. En effet, l’existence d’un dépôt légal du web en France a permis de constituer des premières collections web à la BnF. Cet archivage systématisé et institutionnalisé, présenté par Annick Le Follic (BnF), pose néanmoins certaines difficultés et crée de nouveaux enjeux à gérer : dépendance envers les pratiques des plateformes, gestion du flux des données, de l’interaction entre les internautes ou encore de l’information de masse… D’autre part, d’autres institutions telles que la Bibliothèque de Harvard ont fait appel à la collecte participative afin de constituer un fonds d’archives sur les attaques contre Charlie Hebdo en janvier 2015. Cette initiative fructueuse, présentée par Lidia Uziel (Université de Harvard) et Lola Mirabail (Université Paris 8), a cependant posé question notamment en matière de possibles biais introduits par cette démarche. En effet, un appel au don n’influence-t-il pas nécessairement le type de documents reçus ?

Telles ont été les différentes réflexions qui ont animé cette journée d’étude. À la fois riche, introspective et déroutante par moment, la journée a le mérite d’avoir plus qu’introduit la réflexion sur la question de ces nouvelles archives que sont les médias sociaux. La question amorcée n’a cependant pas empêché l’assistance et les intervenants présents de s’interroger également sur l’intérêt qu’il y a à conserver ces sources ? Que l’historien peut-il en faire ? Archiver Twitter a-t-il une utilité ? Cette question a par exemple été abordée dans la communication de Jean-Daniel Zeller.

S’il ne fallait en retenir que trois, les mots qui synthétiseraient la 16ème journée des archives seraient : futur, méthode et collaboration. Futur parce que l’archivage des médias sociaux n’en est qu’à ses prémices. Les premiers balbutiements de l’archivage et de l’exploitation de ce matériau en sont la preuve ; tout reste à définir, à institutionnaliser et à développer. Et ce plus particulièrement au niveau de la méthode. Tant au niveau de l’archivage que de l’exploitation, tout reste à définir : ni les chercheurs, ni les archivistes n’ont encore pu élaborer une méthode qui soit systématisée pour ce type de documents. Cette carence ne rend que plus respectables les nombreuses initiatives des chercheurs et archivistes qui se sont lancés à l’assaut des médias sociaux. De ces initiatives souvent laborieuses ont émergé des aspirations à de futures collaborations. Des partenariats tant entre chercheurs et archivistes qu’entre archivistes et informaticiens par exemple seraient bénéfiques à toute exploitation future de ce matériau.

Le programme de la journée et les résumés des communications sont disponibles ici.

- Lisa Lacroix et Lucie Castaigne

Webreferenties

  1. Julien Dohet: http://www.contemporanea.be/nl/node/5
  2. Tom Cobbaert: http://www.contemporanea.be/nl/node/1
  3. Caroline Derauw: http://www.uclouvain.be/caroline.derauw
  4. Véronique Fillieux: http://www.uclouvain.be/veronique.fillieux
  5. Aurore François: http://www.uclouvain.be/aurore.francois
  6. Anne Roekens: https://directory.unamur.be/staff/aroekens
  7. Ivan Pacheka: http://www.wikipasdecalais.fr/index.php?title=Ivan_Pacheka
  8. Comité d’Histoire du Haut-Pays: http://www.histoirehautpays.com/
  9. Hubert Naets: http://www.uclouvain.be/hubert.naets
  10. Cécile de Terwangne: https://directory.unamur.be/staff/cdeterwa
  11. Séverine Dusollier: https://directory.unamur.be/staff/sdusolli
  12. Frédéric Clavert: https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=1175959&LanCode=37
  13. Alexandre Turgeon: https://uottawa.academia.edu/AlexandreTurgeon
  14. Odile Gaultier-Voituriez: http://www.cevipof.com/fr/l-equipe/l-equipe-administrative/bdd/equipe/49
  15. Thierry Vedel: http://www.cevipof.com/fr/l-equipe/les-chercheurs/chercheurs/bdd/equipe/27
  16. Alexandre Garcia: http://www.souslapoussiere.org/
  17. Archiveilleurs: http://www.souslapoussiere.org/archiveilleurs/
  18. PhotosNormandie: https://www.flickr.com/photos/photosnormandie/
  19. Patrick Pecatte: http://dejavu.hypotheses.org/
  20. Jean-Daniel Zeller: https://regarddejanus.wordpress.com/
  21. Lidia Uziel: http://library.harvard.edu/users/lidiauziel
  22. Lola Mirabail: https://about.me/lola.mirabail
  23. ici: https://www.uclouvain.be/688844.html