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Vincent Scheltiens, Met dank aan de overkant. Een politieke geschiedenis van België, Kalmthout, Polis, 2017.

Vincent Genin, Université de Liège

Docteur en Histoire attaché à l’Université d’Anvers, Vincent Scheltiens s’intéresse depuis plusieurs années aux tensions nationalistes et communautaires qui agitent certains pays d’Europe, à l’instar de la Belgique – bien entendu – mais aussi de l’Espagne, sur laquelle il porte un regard appuyé. En témoignent ses récentes réflexions sur l’hypothèse d’une approche comparatiste entre l’actualité catalane et les buts politiques de la NVA. L’ouvrage qu’il nous propose ici – de très bonne qualité, disons-le d’entrée de jeu – est sans conteste symptomatique d’une nouvelle phase historiographique de l’histoire « communautaire » de la Belgique. En effet, s’il a été très longtemps question d’une « histoire du mouvement wallon » ou d’une « histoire du mouvement flamand », parfois rédigées par des auteurs eux-mêmes impliqués dans une forme d’engagement militant, l’auteur prend plutôt le parti d’étudier ces deux courants par le prisme de leurs interactions, de leur « vie commune » mais aussi de leurs moments d’union cristallisés par des objectifs parfois communs. En somme, il faut « décommunautariser » l’histoire communautaire. Il prend appui sur une solide bibliographie, tant néerlandophone que francophone, et d’un corpus de sources (manuscrites et imprimées) particulièrement riche. Partant de l’année 1840 et du Pétitionnement en faveur de la langue flamande de Pierre de Decker, il en étudie avec sagacité la réception au Sud du pays (p. 38) mais aussi par la presse francophone de Flandres. L’approche marquée au coin de la réciprocité de l’auteur se maintient avec vigueur tout au long de ce travail et ne se contente pas d’analyser les sources émanant de militants mais aussi de scientifiques, de linguistes et d’intellectuels ; le lecteur appréciera par exemple la référence au Gouvernement dans la démocratie paru en 1891 sous la plume d’Émile de Laveleye, favorable à un transfert de compétences – dirait-on aujourd’hui – en direction des échelons provinciaux et communaux (p. 69). Cela étant, dans ce cas-ci, mais aussi dans d’autres que nous avons repérés, l’Auteur aurait pu pousser plus loin son analyse. En effet, de Laveleye, qui est décrit comme un des « Wallons » de l’époque – or il est né à Bruges, a poursuivi ses études à Gand, n’a été nommé à Liège qu’à 41 ans et ne peut pas précisément être qualifié de « wallon » – a été fortement influencé par le modèle coopératiste prôné par Pierre-Joseph Proudhon, dont les écrits eurent un impact important dans la Belgique des années 1850-1860, comme l’a étudié John Bartier. L’attention de l’économiste à la revalorisation des pouvoirs locaux ne peut-elle être lue à l’aune de cette influence ? Ceci est un détail. Comme une remarque à propos de Fernand Dehousse qui, en 1938, est bel et bien libéral et n’est pas encore passé au socialisme (p. 125).

Autre petit regret : dans son excellent travail, Vincent Scheltiens revient (p. 184-187) sur les rapprochements ponctuels entre militants wallons et flamands au cours des années 1950-1960 – incarnés par le Collège wallo-flamand, l’Accord Schreurs-Couvreur mais aussi les liens fructueux (mais aussi confinés au secret) entre Maurice Bologne et Frans Van der Elst. Cela étant, je pense qu’un travail en soi devrait être tout consacré à ce phénomène que l’on pourrait – en émettant un jugement de valeur peu heureux et tout rhétorique – qualifier soit d’opportuniste soit de schizophrène, étant donné que des anciens résistants de Wallonie Libre se sont parfois rapprochés de militants de la Volksunie dont l’attitude durant le conflit peut être assimilée à de la collaboration. Les correspondances privées de militants portant sur cette situation à la fois insolite et compréhensible par son fond de realpolitik pourraient refléter certains tiraillements intimes de l’époque. Il y a là un beau sujet.

Enfin, l’Auteur aurait pu recourir à certains mémoires de master récents soutenus en Belgique – leur sous-mobilisation est un phénomène général de l’historiographie que l’on ne peut que regretter.

Cela étant, il s’agit là d’un ouvrage de très bonne valeur, qui échappe au phénomène de « repli historiographique » et qui propose une histoire de Belgique par le prisme de l’approche dynamique d’un dialogue communautaire, dans ses dissensions, ses rapprochements, ses tensions et dont le ferment participe aussi de ce qu’est la Belgique.

- Vincent Genin